Tous les amoureux des Chants de Maldoror ont tenté d’en prolonger le mystère dans la trop brève vie d’Isidore Ducasse. François Caradec le premier en avait donné une fascinante biographie, Jean-Jacques Lefrère plus tard a complété le tableau bien au-delà de ce qu’on pensait accessible.
Mais le mystère reste : celui d’une formidable invention poétique, portée à bout par un fantastique aussi visionnaire (cinétiques de la ville, la nuit) que cruel.
Et tout se passe au Chant II, quand le premier dispositif, et ce qu’il porte d’encore romantique, laisse ses rênes à l’écriture même, à la fascination Baudelaire de Ducasse. Combien de fois j’ai fait le test avec des étudiants : Lautréamont, pas encore lu (pas grave, il n’y a pas d’âge pour s’y mettre, et c’est violent) – mais qu’on dise Beau comme la rencontre sur une table de dissection d’une machine à coudre et..., un bon tiers du groupe complètera tout de suite par le fameux parapluie, qui aura un tel écho chez les surréalistes.
La littérature retournée comme un gant, dit Francis Ponge : et c’est dans ce Vieil océan que tout prend source.
La première traversée : un enfant de Montevideo, Uruguay, est envoyé en pension à Pau. A l’âge du baccalauréat, et finie la première année d’université à Bordeaux, les premiers textes envoyés à des concours, la traversée retour. Il va revoir son père, et obtenir de lui la tentative de 2 ans à Paris, pour devenir écrivain.
Longue traversée, échappée aux lois de la terre. Retour sur soi, prégnance de l’écriture qui commence à se faire. Moi aussi, j’en rêvais : prendre Lautréamont pensif accoudé dans la tête d’Isidore Ducasse, sur le bateau qui lui fait traverser l’océan.
C’est donc d’écriture, d’invention, de monde intérieur, de biographie et d’excès, qu’il est ici question.
Il fallait sans doute un autre regard avec traversée d’océan depuis le lieu originel de la langue : ce texte s’écrit à Montréal, et prouve qu’il n’y a pas d’étiquette géographique à ce qui nous fait naître à la langue. Et quelle langue, si c’est le barbare déploiement de celui qui, de ce bateau, contemplait, avec les beau comme du Vieil océan, la femelle du requin qui définitivement l’entraîne.
C’est le récit du voyage de Lautréamont en Uruguay, en 1867, un an avant la publication du premier des Chants de Maldoror. Mais de ce voyage, on ne retient qu’une partie obscure, un segment inconnu : le trajet aller en bateau de Bordeaux à Buenos Aires.
Alors c’est à l’imagination de reconstituer le temps du voyage, la succession des jours, des îles et des ports. Et le vocabulaire du récit retraverse les représentations du vieil océan, les cartes et les atlas, les termes de marine.
L’idée alors de la mer, quand c’est ce qui nous sépare de l’origine aussi bien que du devenir.
On revient ainsi en amont des Chants, à la violence de leur inchoation, et l’on pose à rebours des bribes de poèmes sur la nuit d’une individualité, arrachant des paroles à l’ombre silencieuse.
Isidoro, c’est un ton, une couleur. Un sentiment de vague, de saumâtre. Du vert océan mêlé à du rouge sang. Et la langue du récit qui avale cela avec une grimace.
Audrey Lemieux est doctorante à l’Université du Québec à Montréal. Isidoro est son premier long récit.
Editeur : publie.net
Publication : 14 mai 2010
Edition : 1ère édition
Intérieur : Noir & blanc
Support(s) : Livre numérique eBook [Mobi/Kindle + PDF + WEB + ePub]
Contenu(s) : Mobi/Kindle, PDF, WEB, ePub
Protection(s) : Aucune (Mobi/Kindle), Aucune (PDF), DRM (WEB), Aucune (ePub)
Taille(s) : 1,04 Mo (Mobi/Kindle), 516 ko (PDF), 1 octet (WEB), 444 ko (ePub)
Langue(s) : Français
Code(s) CLIL : 3435
EAN13 Livre numérique eBook [Mobi/Kindle + PDF + WEB + ePub] : 9782814503250
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