« — Cela fait trente-cinq ans que je t’attends. Je savais que tu viendrais un jour ici, que tu t’assiérais sur ce banc, à cette place, à mes côtés et que tu buterais sur des questions existentielles, sur des incertitudes de la vie au moment même où tout semblera te sourire.

La voix pourtant douce et calme de Seck Baraya le charbonnier résonnait encore dans la tête de Thierno. Comment lui, professeur émérite de mathématiques de renommée mondiale, pouvait-il seulement écouter les paroles de ce vieil illettré ? Depuis sa tendre enfance, il l’avait toujours vu assis au coin de la rue, tout dépenaillé et tout crasseux, d’une saleté repoussante accumulée depuis des lustres par un mélange de sueur et de poussière, et n’ayant eu d’autre occupation que de vendre son charbon.

— Viens rester trois jours à mes côtés et apprends à vendre du charbon. Ne pose aucune question, libère ton esprit et observe tout ce que ton inspiration et la providence t’offriront comme spectacle. »