Deux chambres de bonne dans un immeuble du XVIe arrondissement. Un couple, Georges et Jeanne, vit depuis quinze ans dans l’une des chambres, envahie par leurs deux lits et la télévision. Jeanne n’a jamais quitté cette pièce. Depuis des années, énorme masse immobile dans son lit, elle contemple l’écran de la télévision. René vit seul dans la chambre voisine. Ce samedi matin, dès le réveil, Georges et René, chacun dans leur chambre, seront aussitôt saisis par leur idée fixe : Georges doit obtenir, une seule nuit, « l’appartement du cinquième », pour y emmener Mary, une jeune Anglaise qui croira que cet appartement était le sien. René doit échapper à l’angoisse du lundi. Georges et René qui, pour fuir le monde extérieur, se réfugient dans l’imagination, sont hantés par la même image de la femme. (« Elle était très jeune ; mais son visage à la fois mince et rond, aux yeux et à la bouche allongés, au menton fragile et autoritaire, paraissait fatigué. ») Et cette jeune femme qui a beaucoup marché, son imperméable sur le bras, sera tour à tour Jeanne, Mary et Renée. La démarche de Bedarrides est celle du rêve naturel, donc logique. Tout, ici, est vrai et tout, pourtant, bascule insensiblement. Cet endroit de la vie quotidienne porte un envers fascinant.