Si l'inégalité des rapports de force qui gouvernent les relations entre Etats relève de l'évidence, il est moins aisé d'estimer la part d'autonomie que les Etats dominés ont pu tenter ou tentent encore de conquérir ou de préserver; il est moins aisé d'analyser les ambiguïtés des politiques « nationales » trop souvent mises au service des minorités au pouvoir, ou protégées par lui. Les auteurs du présent recueil s'attachent ici, sans simplisme, à présenter les expériences d'une palette significative d'Etats qui, dans les filets du système mondial régissant leur dépendance, illustrent dans leur quête de l'autonomie, des cas de figure bien divers : Bolivie de l'étain, Venezuela du pétrole, Guinée et Haïti d'après les dictatures, Inde ambitieuse, Birmanie et Thaïlande aux options antithéti­ques ... Nul n'échappe au système-monde, ni à l'Etat. Mais il est aussi, à d'autres échelles, d'autres dépendances, comme d'autres autonomies en jeu : contraintes naturelles, disparités régionales, hiérarchies tradition­nelles, stratégies culturelles d'identité sont également prises en compte ici, dans les pays qu'on vient d'évoquer, mais aussi dans les montagnes andines, dans le Sahel, dans les savanes ou les forêts de Côte-d'Ivoire. Dans les emboîtements de dépendance qui structurent le monde d'aujourd'hui, conquérir ou préserver des marges d'autonomie est vital, mais aléatoire. Toute cette géographie des Tiers-Monde qui prend corps ainsi dessine dès lors, s'agissant du destin de l'homme et d'un « développement » bien élusif, autant de figures d'incertitude ...