Une enfance, une famille, un éveil à l’existence, dans un bourg de Loire-Atlantique… Le narrateur est, certes, « à la recherche du temps perdu ». Mais s’il paraît proustien à cet égard, ne le dirait-on pas aussi flaubertien par la rigueur du verbe, ou joycien par le langage et la symbolique, ou nouveau-roman par « l’objectal » ? Et, tout habité qu’il soit par les images d’une culture foisonnante, c’est pourtant le don le plus éclatant du créateur qui donne sa force à ce premier livre : l’innocence, l’émotion, la force de vie, — et cette hantise du « faire » qui construit l’œuvre comme une de ces choses dont la description, hallucinante dans sa minutie, domine le centre du récit. Car les thèmes qui donnent à cette œuvre sa force et sa complexité — thèmes des choses et de la technique fabricatrice, thèmes des êtres et de leur présence à travers les images que forme l’écriture — sont aussi ceux qui la prolongent au-delà d’elle-même, tels ces « mandalas » orientaux, ici évoqués, dont les lignes enchevêtrées conduisent à la contemplation du plus invisible. Longue navigation à travers le vaste monde d’une enfance dont, avec l’infinie patience du langage, épousant les crêtes et les creux de la houle qui le porte, le narrateur fait une quête de ce qui est plus que l’or des Argonautes : l’humble secret de la femme qui éclaira cette enfance et qui illumine ce livre.