Quand Antoine Del Vecchio s’est assis pour la première fois à la grande table de l’agence de presse NWS, à Londres, avec ses cheveux trop longs et touffus, Hanka lui a demandé : « Ça ne vous gêne pas pour entendre ? » Au bout d’un instant Del Vecchio a dit d’une voix un peu mélancolique : « J’ai le sens de la répartie mais il ne faut pas qu’on me bouscule. » Et tout de suite on l’a trouvé très gentil, lui et son physique un peu bâclé, cette trop grande hâte avec laquelle on semblait avoir habillé son squelette. « Gentil, gentil, dirait par la suite Del Vecchio à Roubier, oui, je sais mais je voudrais bien pouvoir être aussi autre chose. » Deux ans après il partait pour ne plus revenir. Hanka dit qu’il a réussi une métamorphose. Dans l’intervalle, Frantisek Bronstein était entré lui aussi à NWS-Londres dans son éternel costume de velours ; des événements assez étranges devaient se produire dans les deux Amériques mais également chez nous, à Londres, et le petit cheval de Mayfair tombait foudroyé en pleine rue. Et puis Hanka s’était mariée. Nous l’aimions tous, mais Del Vecchio était son ami Si vous demandez à Hanka comment Del Vecchio s’est trouvé mêlé à tout cela elle vous dira, en admettant qu’elle veuille bien répondre : « C’est à cause des ânes. » C’est une opinion. Comme dit Duguit, l’événement nous parvient par les téléscripteurs, ficelé, prêt à l’emploi. À supposer qu’il lui arrive de s’installer parmi nous, nous ne le reconnaîtrions pas. Hanka dit que l’événement s’est assis à notre table. Elle prétend que Del Vecchio en est mort, mais qu’avant il s’est débattu et que nous n’avons rien vu, rien compris, rien entendu.