Que Pierre Serval n’ait pas introduit dans le titre de ce récit le mot mystère, secret, ou révélation, je trouve cela d’une modestie remarquable à une époque où l’on prétend chaque jour nous introduire dans quelque coulisse de l’Histoire. Or, voilà un livre qui, justement, jette un fameux coup de projecteur sur l’expédition d’Alger, aventure aussi grouillante d’intrigues, de machinations, d’ambitions affrontées, de scandales étouffés, et aussi dramatique que la fin de l’Algérie française. Le ministre de la Guerre de 1830, qui fut en même temps le chef de l’expédition, se nommait Louis Auguste Victor, comte de Chaisne de Bourmont. Les archives de la famille de Bourmont se sont ouvertes pour Pierre Serval, premier historien à les avoir entièrement explorées. Le résultat est un livre qui pourrait encore s’intituler “L’expédition d’Alger comme si vous y étiez”, et l’admirable est que nous sommes : chez le Roi, au milieu de conspirateurs, auprès du dey d’Alger entouré de ses sbires ou de ses épouses, à bord des felouques pirates et à bord de chaloupes françaises de débarquement, dans les rues tumultueuses et terrifiées de la Casbah. En contrepoint, la surprenante biographie de Louis de Bourmont, l’homme le plus impopulaire et le plus lucide, et parfois le plus efficace de cette aventure. Chaque fois que la réalité dépasse ici la fiction, que nous serions tentés de nous écrier “C’est incroyable !”, Serval s’efface et produit le document inattaquable. Sa manière d’écrire l’Histoire est à la fois classique et percutante. Je ne lis pas souvent de livres aussi brillants et aussi solides que celui-ci. Georges Blond