Un personnage central occupe l’espace entier du roman : Santiago. A mi-chemin entre le rêve et la réalité, il est celui qui chante le romancero mélancolique de l’âme espagnole. Il a fui Madrid aux mille visages, Madrid de la Guerre civile et du franquisme, Madrid des fantasmes, Madrid qui agonise... Santiago est venu chercher asile dans un moulin isolé, cerné par la pluie et la boue. Il se réfugie dans l’auberge du village voisin. Comme autant de scènes d’un film, les chapitres nous reportent à des temps ou à des personnages de sa vie qui continuent d’exister ailleurs cependant qu’il décolle de la réalité vers un rêve qui est peut-être sa vérité. C’est l’histoire d’un homme qui traîne son refus dans un pays qui est la proie de la police, de la sensualité et de la femme. A l’instar de Calderon, Manuel de Lope admet comme lui que “la vie est un songe” et, dans le mouvement constant du roman, s’installent des personnages étranges et magiques : Marie des Angoisses, elle est toutes les femmes en une, la femme enfant et la femme rouée, la Sainte et la putain... l’Aubergiste, c’est le cyclope et le Christ des Douleurs... Le livre prend ainsi l’allure épique d’une parabole tragique et dérisoire. Une histoire d’un scepticisme sombre, un kaléidoscope, un style flamboyant, baroque, superbement dominé et servi par la langue râpeuse et tendre des grands écrivains espagnols picaresques et bouillonnants.