L’histoire des novices nous est contée par un certain Gérard Lafont, personnage fort discret, du moins en apparence. Il affecte de se retrancher derrière les documents hétéroclites qui témoignent des amours, des trahisons, des œuvres et de la mort de son meilleur ami, « le demi-dieu » Claude Sauvetat. Ce dernier n’est pas facile à définir : sauvage ou hypocrite, arriviste ou poète, lâche ou téméraire ? Le narrateur se garde bien de juger ce camarade qui lui inspirait jadis des sentiments dont il n’avoue pas la nature, et dont le souvenir lui cause des remords qu’il laisse à peine deviner. Il dédaigne aussi d’analyser le caractère de sa fiancée, devenue la femme de Claude. Il nous donne à lire des lettres bizarres qui ne permettent guère de dire si cette fille est une sotte, ou une sainte, ou une folle. Pour finir elle entre (ou rentre) au couvent. C’est sa manière de poursuivre un noviciat hasardeux commencé avec deux compagnons qui, à l’âge de trente ans, se préparaient encore à vivre libres et à mourir gravement. Le narrateur, incapable d’écrire sans ironie, remarque qu’il retrace, bon gré, mal gré, « l’histoire de la deuxième guerre mondiale ». En effet, les trois héros de son récit essayaient désespérément soit d’ignorer, soit de mépriser, soit encore de dominer les événements politiques qui se sont produits entre 1939 et 1945.