Résumé
Le Groupe de recherche sur l'écriture nord-côtière du Cégep de Sept-Îles (GRÉNOC)participe à l'élaboration d'une littérature et, partant, d'un imaginaire nord-côtier.Depuis sa fondation, les projets du groupe de recherche visent à inventorier, relire,commenter ou traduire les textes qui tracent le contour de ce territoire immense. Del'oralité immémoriale, aux oeuvres contemporaines en passant par les témoignagesde découvreurs ou d'occupants du territoire et par le regard des historiens, la revue Littoral ouvre ses pages aux études, aux analyses d'oeuvres - et aux créations inédites -, où le référent nord-côtier est central. Ainsi, l'originalité, les réalités et la mythologie que dévoilent les textes de la Côte-Nord sont-elles au coeur des préoccupations du GRÉNOC.Dans la foulée de projets d'études régionales sur l'histoire et l'anthropologie, les projets de recherche du GRÉNOC abordent les deux dimensions principales des discours littéraires sur la Côte-Nord. D'une part, la perception de l'espace y occupe un place prépondérante et, d'autre part, trois cultures distinctes y ont créé leurs traditions, leur histoire et leur imaginaire. Les Innus et les Naskapis d'abord, puis des Français ou des Acadiens et ensuite des Anglais des maritimes ou des Américains occupent toujours l'immensité de la Côte. Reflet de ce vaste territoire au patrimoine pluriel, les oeuvres nord-côtières abordent l'imaginaire maritime, forestier, religieux ou industriel par les regards croisés des cultures qui y vivent. Ainsi, l'espace est-il appréhendé à travers ce double prisme. Sans être étroitement régionaliste, le projet du GRÉNOC étudie la région par les textes, en la traversant à la fois dans l'espace, les langues et le temps, pour la faire entrer en résonance avec d'autres espaces, d'autres histoires, d'autres imaginaires.LA QUESTION DES LANGUES AUTOCHTONES ET DE L'INNUEn page couverture, le regard perçant de la poète innue Joséphine Bacon rappelle que 2019 a été proclamée année des langues autochtones par l'UNESCO.L'article de Nathalène Armand-Gouzi, sur une rencontre autour de la figure de Tshakapesh, rend compte d'initiatives pour transmettre la langue et la culture innues. L'innu reste l'une des langues autochtones parlées par le plus grand nombre de locuteurs au Québec. Virginie Mailhot, de son côté, relate l'importance des oeuvres bilingues pour jeunes lecteurs de l'auteur Sylvain Rivard et de la maison d'édition Hannenorak. Par ailleurs, sous la plume de Guy Laflèche, le rôle de José Mailhot lors de l'uniformisation de la langue innue prend des allures d'enquête. Le spécialiste de la littérature des Premiers Peuples, Jean-François Létourneau, s'entretient avec Pierrot Ross-Tremblay sur la vision poétique de l'auteur. L'article de l'anthropologue Daniel Clément revoit les textes sur la tente tremblante et tente d'établir le rôle des plantes dans ce rituel. Le professeur Yvon LeBras a lu avec beaucoup d'attention l'ouvrage de Guy Laflèche sur le travail du missionnaire Paul Lejeune, ethno-linguiste de l'innu avant l'heure. Enfin, Jacques L. Boucher retrace le chemin qu'a parcouru la littérature innue d'An Antane Kapesh à Thibeault Martin.Avec sa générosité habituelle, Joséphine Bacon a écrit un poème pour les lecteurs de Littoral. Sa présence pénètre nos imaginaires : Rita Mestokosho lui dédie un poème, Anastasiia Ivaniushina, contributrice russe, compare son recueil Bâtons à messages / Tshissinuatshitakana aux poètes yakoutes et notre contributrice italienne, Immacolata Paparo, a lu Uiesh / quelque part. Un portrait de cette passeuse de mémoire s'anime sous la plume de Monique Durand. De plus, une finissante innue, en Langues lettres et communication, Joly Pinette Moreau, offre des poèmes inédits très forts. Puis Michel Noël rend hommage à ce peuple rieur.INCURSION CHEZ LES COASTERSCe numéro de la revue explore le versant anglophone du patrimoine de la Côte-Nord. En effet, on y trouve une étude de Marie-Michèle Ouellet-Bernier sur la représentation du nord dans la littérature anglophone de la Côte-Nord et du Labrador, un article de Donald Bherer se penche sur le récit de l'explorateur canadien Henry Youle Hind sur la rivière Moisie en 1861 et des extraits inédits de l'expédition de Hind sont publiés pour la première fois en français dans la section des morceaux choisis. Puis, l'enseignante montréalaise Julie Gagné rend compte de son admiration pour le paysage de la Basse-Côte-Nord alors que le long-métrage Les Coasters lui a permis de découvrir ce coin du Québec et les personnes qui y vivent.LE TERRITOIRE ET LA MÉMOIREMembre fondateur du GRÉNOC, Pierre Rouxel poursuit son étude des Relations des Jésuites. Cette fois, il propose un article sur la représentation de la Côte dans les Relations inédites, un index des descriptions de la Côte-Nord dans ces dernières ainsi qu'une présentation des missionnaires-explorateurs qui les ont rédigées. Des extraits de ces Relations inédites nordcôtières se trouvent également dans les morceaux choisis. «La mesure de la Côte-Nord, 2e partie», de Donald Bherer, établit l'avancement des connaissances du XVIIe siècle sur le territoire à partir de cartes d'époque. Dans leur article sur la cartographie et la toponymie du Saguenay, Érik Langevin et David Deschênes tracent une cartographie de la fréquentation de lieux par les Premières Nations à partir de cartes et de documents écrits. À travers l'étude de toponymes et d'ethnonymes, les chercheurs constatent des indices des réalités socio-politiques autochtones et saluent ces contributeurs anonymes qui ont nommé le pays.Une part belle est aussi faite à la mémoire. C'est que le GRÉNOC a entrepris l'étude du Journal de la Pointe-aux-Esquimaux de Placide Vigneau. Document d'une grande richesse, ce Journal est la première oeuvre où le littéraire émerge d'un texte écrit par un résident de la côte. Dans la section «Auteurs et la Côte», l'article de Pierre Rouxel en rend bien compte de même que son introduction aux morceaux choisis de Vigneau. En outre, il a présenté ses recherches sur l'oeuvre de Placide Vigneau aux Journées de la mémoire organisées par l'Université du Québec à Rimouski. De plus, le Salon du livre de la Côte-Nord a réservé un après-midi à Placide Vigneau au cours duquel les chercheurs Guy Côté, René Thuot et Pierre Rouxel ont parlé de l'auteur et de l'oeuvre. Danielle Delorme, dans son article, s'intéresse à l'histoire plus récente des liens tissés entre les Éditions David et la Côte-Nord. «Le haïku s'affiche», de Francine Chicoine, retrace les étapes de ce projet en Côte-Nord alors qu'Anne-Marie Tremblay et le Cercle d'écriture de Baie-Joan-Beetz s'intéressent à l'acte d'écrire et à la publication dans la région. De plus, Littoral souligne la parution de l'ouvrage Sept-Îles, une histoire en images de Steve Dubreuil et Guy Côté.La section des inédits est propice à la mise en écriture de la mémoire. Ainsi, les expériences vécues sur la Côte-Nord sont-elles au centre de nombreux textes, notamment « Georges et le fameux contrat de la slash », « Maurice », « Nord-côtière d'adoption », « Les noisetiers émigrent », le voyage de Montréal à la Tabatière et « Selfie de la côte ». La GRÉNOC souhaite rappeler la mémoire de Paul-Émile Fontaine, décédé cette année. André Michel de la Maison amérindienne et l'auteur Michel Noël saluent son départ. Un autre disparu mérite notre attention : Viateur Beaupré. L'enseignant polémiste s'est éteint en décembre 2018 et Pierre Rouxel lui rend hommage.La littérature de langue française n'est pas en reste. En effet, Gabrielle Lapierre signe un article sur Juillet, le Nord d'Andréanne Frenette-Vallières. L'équipe du GRÉNOC en profite pour féliciter la poète pour le prix Félix-Leclerc qui lui a été remis lors de l'ouverture du Festival international de poésie de Trois-Rivières. Nous la remercions de nous avoir envoyé des poèmes inédits et saluons ses généreuses réponses aux questions que nous lui avons soumises pour préciser son lien à la Côte-Nord. Par ailleurs, Jérôme Guénette signe une analyse du roman Terminal Grand Nord d'Isabelle Lafortune, récipiendaire du Prix Jacques-Mayer du premier polar remis par la Société du roman policier de Saint-Pacôme 2019. Puis Joey Thibault, diplômé du Cégep de Sept-Îles en Langues, lettres et communication, propose une lecture de Carnet de tempêtes de Dominique Rivard.Comme à l'habitude, la revue Littoral se clôt sur des nouvelles de nos activités de recherche. Outre celles déjà mentionnées ci-haut, le GRÉNOC est allé faire rayonner la littérature de la Côte-Nord jusqu'en Sibérie où un colloque était organisé sous le thème des avantages de l'hiver et où Monique Durand a prononcé une conférence. Daniel Chartier (UQAM), titulaire de la chaire sur l'imaginaire du Nord, de l'hiver et de l'Arctique, directeur du Laboratoire international d'étude multidisciplinaire comparée des représentations du Nord et contributeur à Littoral y était aussi. Il avait organisé, plus tôt cette année, une rencontre à l'UQAM où Donald Bherer a présenté une vidéoconférence. NOUS TV a réalisé une entrevue avec Pierre Rouxel dans laquelle le chercheur présente le GRÉNOC. En outre, Jérôme Guénette et Pierre Rouxel ont écrit sur la littérature de la Côte-Nord pour la revue Nuit blanche, dans la série Cartographie de l'imaginaire québécois entreprise par ce périodique littéraire de Québec. De même, le GRÉNOC était présent à la Semaine du français Richelieu. L'enseignant-chercheur Jérôme Guénette y avait préparé un quizz sur la littérature de la Côte-Nord.Depuis quatorze ans, au plus sombre de l'automne, juste avant le changement d'heure, l'équipe du GRÉNOC reçoit les premières épreuves du numéro suivant de la revue Littoral. Tout le travail accompli à partir des articles de plus de quarante-cinq personnes adopte enfin une forme concrète. Nous remercions nos contributrices et contributeurs, sans leur sensibilité et leur intelligence, la revue Littoral n'existerait pas! Nous remercions bien sûr toutes les lectrices et tous les lecteurs avec qui le GRÉNOC partage un vif intérêt pour la Côte-Nord.Bonne lecture!Pour le Comité directeur, Suzanne Robillard, chargée de projet.