Il pleuvait toujours. L'homme remontait le col de son pardessus. L'attendait-on là où il allait ? Et savait-il seulement où il allait ? C'est sur cette double interrogation que s'ouvre le troisième roman de Vera Feyder : Caldeiras. Roman de l'identité et de la chaleur perdues pour Nat, personnage aux pseudonymes multiples, débarqué incognito dans une ville étrangère. Roman d'une détresse tout entière vouée à ses rêves insurrectionnels pour Tina, qui en prépare secrètement l'avènement, au long des interminables journées qu'elle passe au Tailleur Chic, assise en vitrine où sa patronne l'a installée, bien en vue, au sortir de l'orphelinat, à coudre sous la lampe et sous l'écriteau brodé de ses mains : Deuil sur mesure – Travail soigné. Quand nous les rencontrons, Nat et Tina sont, l'un et l'autre, à un moment de leur vie où ils hurlent intérieurement : tout plutôt que cela. Quelque chose se fissure en eux, se craquelle comme la caldeira d'un volcan avant l'éruption. C'est pourquoi, partis des antipodes, ils se mettront, sans le savoir, en route l'un vers l'autre, mûs par l'énergie attractive d'un seul et même espoir : celui qui pousse les deshérités de la tendresse à se jeter sur le premier signe d'amour venu. Et au jeu, toujours relancé, du hasard, dans lequel Nat et Tina nous entraînent, comme seuls les personnages des grands romans savent le faire, dans un vertigineux suspense, du vieux Liège aux Niagara Falls, d'autres vies vont se prendre, soufflées, transfigurées, de près ou de loin, par ce formidable soulèvement de l'amour en marche. Amour fou – et folie de l'amour, contre celles du profit et de la destruction dominante, dans un monde où l'humiliation, la souffrance de l'homme par l'homme demeurent la plus flagrante et la plus quotidienne des infamies.