Le reste du temps (format poche)
septembre 2018
Tout à tour chronique, documentaire, fiction, Le reste du temps met en scène une jeune femme qui se cherche sous l’ombrageuse épaisseur d’une ville délabrée. Journaliste à Radio-Haïti, la narratrice apprend la mort de son mentor Jean Dominique, porte-parole tonitruant, qui a l’art de se faire autant d’amis que d’ennemis. Le gardien de la radio, Jean-Claude, a aussi perdu la vie.Ce double assassinat est le point de départ de ce roman – l’histoire d’une catastrophe annoncée, le règne de l’impunité et de la violence, exacerbée par l’exclusion et la misère.La perte de Jean était de ces douleurs qui n’admettent pas la solitude. Son assassinat concernait des millions de personnes. Il fallait permettre à ces anonymes qui l’écoutaient tous les matins de prendre part à ses funérailles, comme mon vieil ami Jean-Baptiste, que j’appelais le vieux libraire, qui vendait des livres d’occasion au centre-ville, près de la Banque Nationale, et comme ceux qui venaient vers lui pour lui demander d’être leur voix. C’était légitime.Si la romancière évite la tentation biographique, le portrait de Jean Dominique oscille entre l’admiration et le détachement. On écoute et regarde vivre, dans ce roman, un homme de parole. Un passionné de la radio. Un militant astucieux qui sait interpeller le pouvoir et qui refuse les compromis. Il n’a pas la langue dans sa poche. Ses exigences, ses contradictions et ses flamboyantes réparties sont des armes redoutables.Qu’est-ce qui a pu les rassembler, Jean et la narratrice, en dehors de la radio? Tout les sépare en effet, sauf l’art. Dans le couloir de la radio, entre deux émissions ou deux rendez-vous, leurs yeux se croisent et, ensemble, ils récitent des vers de Hugo, évoquent la prose de Proust ou murmurent un air de Callas.Autour de ces deux trajectoires, la vie se construit. Quelques silhouettes attachantes, tel ce vieux bouquiniste, qui, tout en sachant à peine lire, est conscient de son noble métier de passeur.