Le juge n’agit pas dans le brouillard et au hasard, mais il demeure que la prise de décision survient à l’intérieur d’une marge d’incertitude quant aux éléments de la situation en cause et davantage quant aux conséquences de l’orientation qu’il prendra. L’acte de jugement ne se réduit pas à un automatisme découlant d’une situation fort claire à partir d’un droit d’une portée évidente. Il ne s’agit pas de mettre en marche un mécanisme à l’égard duquel le magistrat ne porterait aucune responsabilité. Au contraire, son action est une activité de jugement au sens large. Elle fait appel à une prudence, à une certaine sagesse et à une sensibilité à la nature et aux effets de la décision. Il s’agit à juste titre de sagesse prudentielle et, ainsi, d’un rapport à une philosophie de la vie et de la nature humaine. Ces articles se rattachent dans ce sens à l’examen de quelques aspects de l’action prudentielle du juge et de la nature de son activité. Certains de ces textes s’attachent aussi à divers éléments du problème des rapports entre le droit et l’art de juger qui découlent en partie de cet art comme d’autres qui ont des liens avec l’action législative. Certes, il ne s’agit sans doute pas d’une activité philosophique au sens courant du terme. Ces textes ont seulement voulu souligner la complexité du droit et la nécessité d’une réflexion à son sujet. J’ai cru à ce titre qu’il s’agissait aussi d’une activité reliée à l’art de juger lorsque l’on tente d’expliquer celle-ci. Au terme d’une vie dans l’administration de la justice, il n’est sans doute pas interdit à un magistrat de s’interroger sur le sens du droit et de son action dans la mise en œuvre et le développement de celui-ci.