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Résumé

À propos de chat, il y a ici une souris ; je l’entends qui fourrage sous le plancher chaque matin vers les cinq heures, furieusement, dans une agitation étrange et qui fait peu de cas de la discrétion tant c’est à croire qu’elle change ses meubles de place en poussant et tirant sans souci d’être entendue, identifiée, détruite. Durant le jour, je ne l’entends pas : pas un son, pas un cri, rien, mais cela tient peut-être aux bruits ambiants qui pénètrent alors, et me masquent une activité frénétique. Je ne l’ai jamais vue ; cela peut être un rat mais je préfère m’imaginer qu’il s’agit d’une souris, je ne sais pourquoi, car je ne crains pas les rats, et même les préfère (aux souris), avec leurs yeux brillant d’intelligence et leurs mains fines et grêles aux longs doigts délicats et précis, les vieux museaux décatis, décidés, pleins de dents et pleins de sagesse.

J’étais enfant lorsque j’en ai vu un qui courait sur un fil électrique tendu entre deux poteaux, et qui, afin de ne pas perdre l’équilibre durant cet exercice avait enroulé sa queue autour du fil, comme un singe aurait pu faire. Cette démonstration magistrale me fit dès lors respecter les rats, et rien depuis n’a pu me faire démordre de cette perspicacité réaliste et volontaire que je leur suppose et leur jalouse, me tenant pour ce qui est de moi et depuis toujours sur le versant opposé, disséquant mes envies et mes raisons à n’en plus finir, au moyen d’arguties n’ayant d’autre but que de les faire se résorber avant que d’avoir eu le temps de bien vouloir me décider, peut-être, à les mettre en pratique, avant d’esquisser le premier pas, m’étant empêtré depuis longtemps les chevilles dans les fils d’une dialectique serrée ne visant à rien d’autre qu’à m’empêcher d’agir dans le sens qui, selon moi, conviendrait le mieux à me satisfaire, sinon à mon bonheur.

Car dès que j’ai une envie, dès que je la sens poindre et frissonner dans mon sein, à moins de flancher tout de suite et d’oublier sur-le-champ que j’ai succombé (au point d’oublier jusqu’au plaisir pris à m’y être laissé aller), je l’étends sur le dos, la fixe au buvard à l’aide d’épingles qui lui font comme une couronne, la déploie et la dissèque après avoir ôté et les ailes et les pattes pour la prévenir de s’envoler et de s’enfuir, on ne sait jamais, ceci jusqu’à la réduire à l’apparence d’un petit tas gris et sanglant, un minuscule amoncellement d’humeurs et de poils qui dégoûterait n’importe qui. C’est ainsi, scientifiquement, que je triomphe de mes désirs avec une opiniâtreté que d’autres ont pu prendre pour de la vertu, quand ce n’était qu’acharnement à refuser le meilleur que la vie nous offre (je plaisante), ou que l’on peut lui arracher, car pour ce qui est de ses dons à proprement parler, on repassera. Mais laissons là cette souris, ce chat, ce rat, toute cette ménagerie, et occupons-nous de nos affaires.

Du même auteur en ebook : Couleur locale, Cantine, LOUIS, Hébride Nouvelle

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Auteur

  • Mehmet Lapoul (auteur)

    Issu du croisement d’un Samoyède et d’une Charentaise passionnée par la cuisine syrienne durant la dynastie des Omeyyades (661-750), Mehmet Mapoul, né en 1968 à Ouégoa, Nouvelle-Calédonie, coule une enfance heureuse dans le parc familial d’Arvert (Poitou-Charentes), planté d’essences choisies, telles que le Micocoulier Occidental (Celtis occidentalis), l’Acer palmatum (Osakazuki), le Diospyros virginiana (American persimmon), ou le Betula albo-sinensis, au feuillage d’automne éclatant. Mais le malheur frappe cette famille unie, et suite au trauma qu’engendre une phrase blessante surprise au travers d’une haie mitoyenne : « Ils sont roumains, les schtroumpfs ? », on diagnostique chez l’enfant, unique et chéri, en plus d’un nanisme achondroplasique congénital, une déficience en ribose-5-phosphate isomérase. Accablé par le destin, son père met fin à ses jours. Sa mère vouera ses forces à pallier chez Mehmet des carences qu’elle se reproche cruellement (ce qui l’amènera à débuter une analyse auprès de Jacques Lacan). Mehmet, reclus dans sa chambre, dont il a fait retapisser les murs de plaques de liège, entame une obscure carrière littéraire.

    Le sentiment de l'indéfini sur la rive du Serre-Ponçon, 1982 ; Simone de Beauvoir ou la destinée volontaire, 1987 ; Déments et Merveilles, 1989 ; L’invention de la Grotte de Giens, 1991 ; Consigne (journal entamé en 1997) ; Modeste Contribution, un portrait, 2000 ; Dérivation, 2003 ; Désordre interne, 2004 ; La vie morte, 2005 ; Louis, 2007-2010 ; Couleur locale, 2007-2013 ; Salle des fêtes, 2008-2009 ; Le meuble à tiroirs, 2009 ; Le fleuve (en cours) ; mour, 2013 ; Insulte à la gent, 2013 ; Marie décolle, 2014 ; Hébride Nouvelle, 2015.

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Auteur(s) : Mehmet Lapoul

Caractéristiques

Editeur : Libres d'écrire

Auteur(s) : Mehmet Lapoul

Publication : 27 juillet 2015

Edition : 1ère édition

Intérieur : Noir & blanc

Support(s) : Livre numérique eBook [ePub + Mobi/Kindle + PDF + WEB]

Contenu(s) : ePub, Mobi/Kindle, PDF, WEB

Protection(s) : Marquage social (ePub), Marquage social (Mobi/Kindle), Marquage social (PDF), DRM (WEB)

Taille(s) : 299 ko (ePub), 1,12 Mo (Mobi/Kindle), 1,21 Mo (PDF), 1 octet (WEB)

Langue(s) : Français

Code(s) CLIL : 3435

EAN13 Livre numérique eBook [ePub + Mobi/Kindle + PDF + WEB] : 9782368451779

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