Peu d'Occidentaux connaissent le Japon comme Théo Lesoualc'h, qui y a effectué divers séjours et vécu plusieurs années. A l'occasion de cette réédition de L'Erotique du Japon dans sa version non expurgée (presque toutes les illustrations avaient été, lors de la première édition voici dix ans, « gouachées» pour cause de censure), il démontre comment l'occidentalisation accélérée de la troisième puissance économique du monde a balayé vingt siècles d'érotisme « naturel », et paradoxalement introduit la censure la plus féroce dans une civilisation qui jusqu'alors ignorait la notion de péché.Cet érotisme, issu du bouddhisme et du shintoïsme, n'est d'ailleurs pas exempt de contradictions : recherche de la volupté-recherche de la cruauté, amour de la femme-haine de la femme, les fameuses « estampes japonaises» reflètent tour à tour ces deux tendances. Illustrations à l'appui (il y en a plus de 350, photos et documents divers sur des processions phalliques rassemblant encore 10 000 spectateurs dans les années 60, ex-votos représentant des organes sexuels, estampes rares, documents étonnants sur les strip-teases les plus scandaleux du monde ou sur les groupes de théâtre d'avant-garde tel le Dairakugakan — « le Vaisseau du Grand Chameau» — inconnus en Europe et pourtant marqués par Sade et Bataille, etc.), l'auteur, fin connaisseur de l'âme nippone, propose un certain nombre de clefs pour comprendre cet univers déroutant, dont l'intensité et la violence restent en quelque sorte rebelles à la démarche rationalisante de l'Occident.