Depuis quarante ans, les études montainiennes ont pris un tour nouveau. La publication de l’Édition municipale de Bordeaux nous a permis d’entrer dans le secret de l’art de Montaigne, de son style et même de sa pensée. Les grands travaux de Pierre Villey, parallèles à cette édition, ont élargi cette connaissance. De tous côtés, les archives, mieux explorées, ont fourni des documents qu’on peut dire imprévus. Montaigne apparaît sous un jour nouveau. Ce n’est plus une sorte de bourgeois-gentilhomme, craintivement penché sur ses livres, mais un personnage de grande importance, familier des rois et des princes, appelé à tenir un rôle dans la politique active de son pays, noble d’épée comme son père, et respecté dans tout le royaume. Son caractère aussi et son tempérament sont mieux connus. Sa sagesse ne nous paraît plus l’effet d’un nonchaloir congénital, mais une conquête de la volonté et de l’esprit sur le tourment de l’inquiétude et l’appréhension de la mort, sans parler de la violence de son caractère. Ces dernières années, on avait surtout étudié la pensée de Montaigne. On a discuté avec des termes modernes - c’est-à-dire inexacts - sa philosophie, sa foi, ses opinions politiques, ses idées sur tous sujets. Fortunat Strowski étudie l’œuvre de Montaigne dans un esprit nouveau, tenant justement compte de l’homme - tel que nous le connaissons aujourd’hui - et de l’époque à laquelle il vivait. D’ailleurs, Montaigne lui-même recommandait qu’on ne séparât pas sa personne de ses livres. Je veux, dit-il dans ses "Essais", qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans étude et sans artifices, car c’est moi que je peins. Les nombreuses reproductions photographiques qui illustrent cet ouvrage, en complètent le texte. Elles nous font voir le cadre dans lequel vécut Montaigne, les personnages avec lesquels il fut en rapport ; elles nous montrent les documents qui sont parvenus jusqu’à nous. Enfin, elles nous font voir comment Montaigne fut représenté par différents artistes.