J’ai vécu l’une des plus effroyables aventures que peut connaître un être humain. J’ai été accusée d’avoir tué 13 personnes, dont ma mère. En écrivant mes Mémoires, j’ai voulu montrer comment une telle aventure a pu arriver à une femme comme moi. Une femme vivant, comme la plupart des autres femmes de mon âge, une vie simple et sans histoire, dans une petite ville de province bien calme, « la même aventure peut vous arriver à vous aussi ». Quelques ragots, des policiers trop zélés, un expert comme Béroud, qui analyse un œil sur un squelette, ont suffi pour lancer l’affaire Marie Besnard qui, par sa durée et l’importance des accusations portées contre moi, est devenue - paraît-il - la plus importante affaire criminelle du siècle. J’ai passé cinq ans en prison ; je sors brisée et ruinée de cette épouvantable histoire, ou rien ne m’a été épargné, mais je ne forme qu’un souhait : que ceux qui sont appelés à juger les autres ne le fassent qu’en pleine connaissance de cause, qu’ils ne considèrent pas les rapports de police - ou ceux des experts - comme paroles d’Évangile. Qu’ils estiment, en particulier, les résultats des expertises, non comme une vérité scientifique, mais comme une œuvre humaine pouvant contenir des erreurs. Je m’adresse tout particulièrement aux experts, et les supplie de se souvenir, avant qu’ils ne déposent leurs conclusions, qu’ils tiennent entre leurs mains l’honneur et le destin d’êtres humains.