Ancien haut fonctionnaire de Vichy, Résistant, Charles Rickard témoigne. Cinquante ans après, il peut enfin dire les vérités, toutes les vérités sur les « enchaînements », au double sens du mot, qui caractérisent la période 1940-42. Écrit avec le talent reconnu à l’auteur de « La Savoie dans la Résistance » et de « La justice du Maquis », ce livre - parfois incroyable - est un récit de choses vues, de choses vécues. Angoulême, juin 40, dans le bureau de l’auteur, le président du Conseil - Paul Reynaud - reçoit, du Président Roosevelt, un message qui restera secret : Daladier avoue son désarroi ; les généraux échangent des injures ; Marcel Déat veut accueillir les Allemands... Les voici, purs nazis, clouant un écriteau : « pas de femmes, pas de chiens, pas de juifs ». Bordeaux, juin 40, On s’accroche au pouvoir pour continuer la guerre avec l’Empire et la Marine... ; on prend le pouvoir pour faire la paix et couronner des ambitions ! Toulouse, juillet 40, tandis que le cardinal Saliège écrit : « Seigneur nous vous demandons pardon », l’auteur rencontre Maurice Sarraut, dont l’Empire radical s’effondre. Vichy, dans la capitale des faux semblants, l’auteur voit Déat, qui espère partager le pouvoir avec Laval, lequel l’utilise et le berne. Cannes, août 40, un mois vécu avec les réfugiés, Juifs apatrides, partagés entre l’angoisse et l’illusion. Le Puy, septembre 40, « chasse aux sorciers » de la Franc-maçonnerie ; de la prison du Puy où ils sont détenus, les députés communistes demandent à témoigner à charge contre Daladier. Chambéry, année 41, la légion des combattants règne, elle est intolérante, réactionnaire, anti-anglais, anti « Boche » ! L’auteur organise la réception du Maréchal, qui est triomphalement accueilli. Mais les clameurs sont équivoques. Annecy-Annemasse, janvier-octobre 42, Pucheu, ministre de l’Intérieur a confié à l’auteur la maîtrise de la frontière franco-suisse. Mission implicite : laisser fuir les Juifs qui s’estiment menacés. Changement de climat politique avec le retour au pouvoir de Pierre Laval. Les Juifs étrangers et apatrides deviennent monnaie d’échange. Les ouvriers sont appelés à faire la prétendue « relève des prisonniers », Darnand développe le S.O.L., future Milice. Le temps n’est plus, où les envoyés de Vichy disaient à l’auteur : « J’espère que vous n’êtes pas de ces imbéciles qui appliquent les ordres que nous donnons ». Genève, octobre 42. À l’auteur, chassé de son poste, la grande actrice Françoise Rosay confie son intention de tuer Laval. Un document pour l’Histoire.