Ces périples, qui partent d’Agrippa d’Aubigné à Reverdy, prouvent - s’il en était besoin - que le cercle enchanté des écrivains fait le tour du monde. Pour mieux rêver de brillants paradis, dans leurs désirs d’évasion, plus sagement, des poètes n’iront pas plus loin que Venise. Une folle équipée, une grande passion à l’état pur, et voici révélé, avec George Sand et Musset, l’impossibilité d’un véritable amour. En semblable aventure, brève comme l’éclair, George avait d’abord cru que Mérimée détenait - et lui apprendrait - le secret du bonheur. Mais nous découvrirons que le sceptique Mérimée ne fut vraiment fidèle qu’à son premier amour. Tel Édouard Vaillant, délégué à l’Enseignement sous la Commune, lui aussi fidèle à un unique amour - et néanmoins méprisé par la femme qui lui donna un fils - lequel porta son nom, sans qu’il en eût légalement le droit. Le sage d’Ygrande a pour nous un tout autre visage : Émile Guillaumin peut être vénéré comme un héros des grandes explorations intérieures. Il a fait - du centre de la France - la matière d’une œuvre littéraire et lui seul, en écrivant la Vie d’un simple sait être un homme, plus grand que tous les autres, sur son lopin de terre. En un sens, rien de plus précis et de plus curieux que ces biographies, d’Agrippa d’Aubigné à Pierre Reverdy, de Guillaumin, de Bazalgette, ou de Stéphane Mallarmé retiré à Valvins. Près de Mallarmé, Marguerite Moreno, svelte jeune femme bien avant d’être la Folle de Chaillot, se laisse expliquer dans le voilier du poète des choses merveilleuses. Qu’a-t-il dit ? lui demande Marcel Schwob. Elle a subi l’incantation et ne se souvient plus. Inutile de partir : les sages et les fous l’ont fait pour nous. C’est un périple interminable.