Paris, 1956 : deux garçons — un Français et un Kabyle musulman — que rien, si ce n’est le seul hasard, ne destinait à une rencontre, sont hospitalisés dans une même chambre à la Salpêtrière. Tous deux sont affligés d’une maladie réclamant des mois d’énergique traitement. Leur cohabitation forcée, leur immobilité temporaire, leur soif de penser à autre chose, leur jeunesse enfin, sont autant d’éléments qui vont faire naître entre eux un sentiment, dont les phases évolueront de la simple camaraderie à une solide amitié. Cependant, en plein conflit algérien, leurs origines différentes dressent des obstacles : raciaux d’abord, politiques ensuite. Mais leur mutuelle bonne volonté les soutient, apporte remède : une estime réciproque. André et Larbi se découvrent alors une commune envie de savoir et connaître, accompagnée d’un goût de l’aventure, dans le sens le plus louable du terme. Ils concrétisent cette envie par un projet de voyage, de grand voyage qu’ils pourraient entreprendre un jour, une fois sortis de là. Et ce rêve, utopique vu leur présente condition de malades, s’entretient de lui-même s’épanouit, s’ordonne grâce à deux plumes complices qui ne demandaient qu’à courir sur le papier. Encore faut-il excuser, justifier le rêve : l’idée du livre est là... L’esprit maintenant meublé d’une double ambition, André et Larbi travaillent, le temps passe et la guérison vient plus vite et plus complète. À leur sortie d’hôpital, le manuscrit - déjà épais - contient ni plus ni moins qu’une recette pour élever le rêve au niveau d’une réalité. En même temps, les deux copains s’aperçoivent, avec soulagement, que leur amitié n’est pas seulement le fruit d’un rapprochement circonstanciel. Alors, l’association prend vraiment corps : l’achat en commun d’une fourgonnette est conclu. Ils équipent le véhicule de fond en comble, afin qu’il puisse affronter - sans trop de risques - les vicissitudes d’un raid de 40 000 km autour du continent africain, terre natale de l’un d’eux. Mais, la préparation d’un tel voyage recèle beaucoup d’imprévus et de tourments. Qu’importe, profit en est tiré pour les chapitres du livre ; car les auteurs se soucient de lui donner un caractère original et vivant (il est en fait sa propre histoire). Aussi, le bâtissent-ils de leurs dialogues, de leurs échanges de vues, usant du style phonique de tous les jours. Mieux, ils font le lecteur juge de leurs problèmes et querelles, et lui confient le troisième rôle dans les préparatifs du raid, comme dans l’élaboration du volume. Dès lors que ce dernier est presque achevé, la réponse de l’aventure - à la question posée par le titre - se laisse percevoir. Pourtant, un destin d’une cruauté rare va conclure sans appel... 3 octobre 1957 : retour nocturne d’Ermenonville, où il est allé chercher les armes à feu nouvellement acquises, Larbi est seul à bord de la fourgonnette. Soudain, pour une raison inconnue, la voiture manque un virage et s’écrase sur un trop solide mur de clôture. Le garçon, bien qu’éjecté du véhicule avant l’incendie, trouve une mort brutale et sans témoin. L’épave, en se consumant, détruira veste et papiers d’identité du conducteur, ce qui donnera à l’accident un caractère étrange. Les enquêteurs s’interrogeront longtemps sur la nature des blessures, la signification du curieux emblême visible sur une portière et, surtout, la présence à bord d’armes qui ne sont pas spécifiquement de chasse. On devine sans peine la série de tracas découlant, pour André, d’un tel drame, sans qu’il soit besoin d’en dire plus. L’épreuve, trop dure, se paiera pour lui d’un long séjour en maison de repos. Et des années passeront, avant que le manuscrit relégué ne revoie le jour et soit enfin dédié à la mémoire du disparu.