Si l'on en croit ce qui nous est dit en France de la littérature française contemporaine, celle-ci est plus vivace que jamais. Est-il permis de douter des " nouveaux Balzac et Dante " qui se vendent mille fois mieux que leurs glorieux devanciers en leur temps ? de leur qualité tant médiatisée ? en premier lieu, dans les pages littéraires des plus prestigieux journaux ? Ce devrait l'être. D'en discuter ? Difficilement, très difficilement... Qui ose débattre de la valeur des livres encensés se marginalise, mais qui ose s'attaquer aux choix idéologiques et partis pris esthétiques de la critique littéraire française s'expose à la cabale.
En publiant un article consacré à la rentrée 1992 dans la revue
Esprit, Jean-Philippe Domecq en fit l'expérience cuisante. Son texte fut l'objet d'un étouffement immédiat, suivi d'une véritable censure.
Dix ans après, il est enfin temps de rompre d'une voix discordante le concert unanimiste et d'inciter à lire de la littérature. Car celle-ci continue de s'écrire. Dans le monde. Pas - vraiment - lue, pas offerte au public, oblitérée par la peur de cette chair vive. Pourtant, plus que jamais, il importe d'en rappeler les enjeux fondamentaux, enjeux au regard du temps qui passe et qui dépasse le narcissisme des auteurs, enjeux pour ce que la littérature nous a toujours révélé et nous révêlera de l'amour et du désir, enjeux d'exigence aussi. Enjeux auxquels la critique française peut s'ouvrir à nouveau.
Jean-Philippe Domecq est romancier et essayiste. On lui doit notamment L'Ombre de ta peau (Fayard, 2001). Amateur d'art, il a consacré deux ouvrages au débat sur l'art contemporain, dont Misère de l'art. Essai sur le dernier demi-siècle (Calmann-Lévy, 1999).