Béatrice Canoui a pris rang parmi les écrivains qui nous viennent de la médecine, dans la lignée des Duhamel et des Céline. Son dernier roman, « Peur Mouche », a reçu — en 1980 — le Prix Littré des écrivains médecins et le Prix des Arts et des Lettres de la ville de Bordeaux. Comme le dit le critique littéraire du « Monde », il ne s’agissait pas « d’un tableau clinique, mais d’un mal vécu du dedans, exprimé avec des images poétiques et fortes ». Ces quelques mots résument bien l’originalité de Béatrice Canoui : elle met à profit ses connaissances médicales pour nous faire découvrir les émotions, les pensées, les passions, les joies et les souffrances de ses héros. Son expérience la pousse à ne pas se fier aux apparences, mais à rechercher la vie profonde. Cela explique l’emprise considérable que ses romans ont eue sur un vaste public : il est significatif que de nombreux journaux aient choisi, pour le reproduire en feuilleton, le second roman de Béatrice Canoui, « Une boule de neige en plein cœur ». Gageons qu’un sort analogue attend son nouveau livre, « Un crocus en hiver ». Au terme d’une grossesse de onze mois, naît Thomas, un petit garçon que rien ne semble distinguer du commun des enfants. Très rapidement pourtant, sa mère perçoit que son fils n’est pas tout à fait comme les autres. Il grandit anormalement vite, s’intègre mal à l’école. Visiblement, il n’est pas heureux. À la puberté, ces anomalies s’accentuent, et il avoue un jour à sa mère qu’il entend pousser les crocus sous la terre. Il faut se rendre à l’évidence, Thomas est un surdoué des sens et de l’âme. Rarement, un écrivain a réussi à rendre aussi sensibles au lecteur les mouvements d’une âme, d’un corps et d’un esprit précipités dans le destin le plus tourmenté qui soit.