La vie que nous raconte André Desmars est, pour commencer, celle de tous les instituteurs de sa génération, ceux qui avaient vingt ans pour 1939. Il n’y faut donc pas chercher une véritable originalité, avant qu’au troisième tiers du livre, tout prenne subitement un nouvel éclairage, et ne pas s’étonner de découvrir l’existence, toute simple, d’un garçon bien élevé par une mère captative, les petits incidents plaisants de l’École Normale et de la caserne, puis les avatars du maître d’école. La drôle de guerre bouscule les événements militaires. On navigue d’un point à l’autre du Massif central. On a même une échauffourée avec l’armée allemande. Le lieu apporte son pittoresque, avec une petite école, dans un pays de concurrence où seulement deux élèves fréquentent la "Laïque". L’âme candide d’André Desmars participe sans problème à la vie comme à la guerre, et l’on devine le garçon prêt à comprendre parfois les maîtres du moment... Mais ce sont détails de cours de route. Tout change, tout prend sa véritable dimension au printemps 1964. Sans préavis, André Desmars tombe, victime d’une hémorragie cérébrale. Paralysé à 46 ans. C’est alors l’essentiel : l’histoire d’une volonté pour tenir, pour récupérer, pour être. Avec même quelque chose de plus : pouvoir se raconter, vouloir le faire, et construire son livre avec une opiniâtreté sans défaut. Le lecteur, chez qui se mêlent compassion et admiration, voit tout ce qu’il avait lu d’abord sous un autre aspect : le plaisir, très réel, que prend l’auteur à évoquer ces jours heureux d’autrefois, où il vivait simplement comme tout le monde...