Fabien, ingénieur du son, a un père qui meurt souvent mais ne cesse jamais de vivre. Il veut composer une musique pour lui, la dernière, avec les sons du monde qu?il recueille en tendant son micro là où on ne l?attend pas.
Son enfance le hante. Deux séries d?images n?en finissent pas de réapparaître. La première, liée au père, un cheminot, résonne de fer, de sang et de sueur. C?est l?univers fascinant des trains, de la vie ouvrière qui ne l?anime plus et dont il a la nostalgie. La seconde, tournant autour d?un vaste champ d?épandage au bord de la Loire, près de Nantes, concentre séduction et menace : sur les tas d?ordures rôde un jeune gitan à la peau cuivrée. Sa présence, chaude et charnelle, marque à jamais les goûts sexuels de Fabien.
Il dérive aux quatre vents, de la Corse au Brésil, de la Moselle à Vitrolles, au Liban, en Iran, à New York. Séduit par des gens ordinaires ou des êtres en marge, des rejetés, voyous et camés, des prolos, des intérimaires, il découvre, au-delà d?échanges souvent brutaux, une part de dignité et de grandeur. En se mêlant à eux, il dévoile une face cachée du pays réel.
Complice de leur douleur de vivre, de leur inadaptation à une société cannibale, il les rejoint furtivement, jusqu?aux confins de la folie. Leur déréliction, il la partage. En la disant, il l?anoblit. Son expérience, sorte de passion laïque, enfonce les enquêtes sociologiques, explore des chemins intimes et secrets. Elle a la force nue de la vérité, la beauté dérangeante d?un cri dans la nuit.