L’histoire n’est pas faite seulement des événements qui constituent sa structure. Elle compte aussi des hommes étroitement mêlés à son déroulement. Le caractère de ceux-ci mérite une analyse méticuleuse, à la clarté des heures de tous les jours. André Beauguitte excelle dans cette recherche. Il lui suffit de puiser aux sources de ses souvenirs, pour y retrouver des croquis pris sur le vif, et des silhouettes brossées à traits vigoureux. Tout au long des pages d’« Audience des ombres », l’époque de 1925 à 1945 jaillit sous sa plume alerte. Il évoque tout ce qui l’a frappé — en bien comme en mal — car une période de l’existence ne compte pas uniquement des personnages de haute moralité. Certains apparaissent douteux. Ils n’en ont pas moins largement défrayé la chronique. Le génie du bien, voisine avec celui du mal. La légende ne choisit pas ses acteurs. Elle enregistre des noms, des images, et les projette sur l’écran de l’actualité. Pourquoi le titre de ce livre ? Parce que l’auteur n’a retenu dans la « sélection » à laquelle il a procédé, que des êtres ayant disparu. Il est allé à leur recherche dans le royaume des ombres, et ceux-ci lui donnèrent audience. Ils lui ont remis leur portrait avec une dédicace qu’André Beauguitte commente en des chapitres pleins de saveur, en termes directs, spirituels, incisifs... et même indulgents, selon le mot de l’éminent académicien Jacques Chastenet, qui a lumineusement préfacé cet ouvrage.