Autour de leur mère, qui dirige toujours en despote, malgré ses soixante-dix-huit ans et son infirmité, la grande demeure ancestrale, quatre couples sont réunis : ses deux fils et leur femme, ses deux filles et leur mari. Ensemble, ils se livrent à une sorte de psychodrame collectif pour tenter de raviver les souvenirs de la Vieille Dame, qui a brusquement perdu la mémoire après l'attaque qui l'a laissée à demi paralysée.

À mesure que se succèdent ces étranges confessions publiques, où les participants découvrent par bribes leurs hantises et les ombres de leur vie, se dessine en parallèle le portrait de la mater familias qui règne encore sur la tribu. Jeune fille fantasque, elle a été une mère lointaine, une épouse sans passion, la maîtresse ardente d'un aventurier tôt disparu et l'inspiratrice du maquisard qui allait devenir le chef de l'État.

Depuis lors, son autorité demeure et la protection discrète du pouvoir s'exerce aussi bien sur elle que sur les siens. Mais il manque un de ses fils à cette réunion familiale, le plus jeune, le préféré aussi car le seul qui soit l'enfant de l'amour. N'a-t-il pas été prévenu pour la simple raison qu'il réside à l'étranger ? Ne serait-il pas mêlé au mystérieux accident de santé qui a frappé la Vieille Dame ? De lui, pourtant, elle se souvient fort bien, mais défend qu'on prononce même son nom en sa présence. Pourquoi ?

Avec un art consommé du dialogue et de la surprise, Pierre-Jean Launay nous laisse peu à peu deviner les secrets de cette famille déchirée, ainsi que ceux de la vieille idole à qui elle doit la vie. Récit psychologique insolite et passionnant, la Grande Demeure apparaît bientôt comme une aventure très singulière, sans doute parce que l'héroïne en est à l'évidence un personnage d'une puissance romanesque assez exceptionnelle pour s'imposer d'emblée au lecteur.