Hâtons-nous de dire en commençant qu’il ne faut pas prendre ici le mot de naturalisme dans le sens qu’on lui donne en France et qui est devenu synonyme d’un certain genre de réalisme, ni même dans son acception philosophique ordinaire. Il nous a semblé que ce mot pouvait exprimer aussi le culte de la nature et s’appliquer, par conséquent, à cette école littéraire qui a produit dans le Nouveau-Monde les nombreux ouvrages classés sous un titre difficilement traduisible : Out-door library, la bibliothèque du dehors, du plein air, bibliothèque saine et fortifiante qui fait les délices de l’Amérique en sa jeunesse virile. Les volumes qui la composent sont là devant nous, au-dessous de ce chef-d’œuvre dont ils dérivent, la Nature d’Emerson, et il semble que la fraîcheur des forêts, l’arôme des champs s’en exhalent. Thoreau nous appelle à jouir d’un Printemps dans le Massachusetts ; l’auteur des Biglow Papers, l’érudit, le lyrique, le spirituel Lowell apporte dans le tableau des événements quotidiens dont son jardin est le théâtre ces qualités de l’humoriste, du critique et du poète que l’on trouve si rarement réunies et qui chez lui, par exception, se confondent. C’est aussi l’Été dans un jardin qui tente la plume facile et le talent d’observation de Dudley Warner ; John Burroughs nous réchauffe au Soleil d’hiver et célèbre tout ensemble les Oiseaux et les Poètes. Sarah Jewett nous invite avec beaucoup plus d’autorité à la suivre dans ses Chemins de traverse ou sur la plage paisible de Deephaven . Les Poèmes de Célia Thaxter retentissent mélodieusement des bruits de la mer et reflètent avec autant de vérité que de tendresse l’aspect des côtes de la Nouvelle-Angleterre.
On voit que les noms féminins sont nombreux sur cette liste, réfutant le préjugé trop répandu qui veut que les femmes aient à un degré médiocre l’intelligence de la nature. Nous serions plutôt disposé à croire que les moyens de développer cette intelligence leur manquent surtout. Ce n’est pas en vain qu’aux États-Unis un professeur illustre dans les deux mondes qui le revendiquèrent à l’envi, Louis Agassiz , a vulgarisé avec le charme qui lui était propre la science tant enrichie par ses découvertes ; ce n’est pas en vain qu’il associa la plus attentive et la plus dévouée des compagnes à ses travaux . Les conférences qui excitèrent un enthousiasme si général, les ingénieuses écoles d’été qu’il imagina pour permettre la continuation des études d’histoire naturelle pendant les vacances, son enseignement si clair et mis à la portée de tous, son grand dessein d’élever sous forme de musée un temple qui, en attestant « les révélations écrites dans l’univers, » parlât à l’esprit des masses comme autrefois les anciennes basiliques, rien de tout cela n’a été perdu. A ces nobles esprits que les circonstances rapprochèrent dans le cénacle de New-Cambridge, Emerson et Agassiz, il faut attribuer l’élan nouveau que nous constatons chez les deux sexes vers le culte de la nature. L’impulsion esthétique vint du premier et l’impulsion scientifique du second. Une littérature toute spéciale devait sortir de ce mouvement ; son but est à la fois d’instruire et de fournir un aliment à la verve exubérante qui a nom animal spirits. La plupart de ceux qui s’y livrent ne poussent pas bien loin leurs investigations ; ils se bornent à ce qui est familier et proche, mais cet étroit domaine est grandi par le sentiment profond de l’intime parenté qui existe entre l’homme et les choses dites inanimées où vibre une âme pourtant, la nôtre, l’âme universelle...
Editeur : Editions Le Mono
Publication : 7 février 2022
Edition : 1ère édition
Intérieur : Noir & blanc
Support(s) : Livre numérique eBook [ePub + Mobi/Kindle + WEB]
Contenu(s) : ePub, Mobi/Kindle, WEB
Protection(s) : Marquage social (ePub), Marquage social (Mobi/Kindle), DRM (WEB)
Taille(s) : 267 ko (ePub), 825 ko (Mobi/Kindle), 1 octet (WEB)
Langue(s) : Français
Code(s) CLIL : 3442
EAN13 Livre numérique eBook [ePub + Mobi/Kindle + WEB] : 9782381113159
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lePetitLitteraire, Natacha Cerf
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