Philippe Porée-Kurrer vient au monde à Fécamp, dans cette Haute-Normandie dont il revendique l’appartenance en la rattachant aux royaumes nordiques de ceux qui lui ont donné son nom. Scolarité à l’ombre des murs d’un sévère pensionnat religieux dans la ville qui a brûlé Jeanne d’Arc, puis assoiffé de liberté « après tout ce gris » et « influencé par Erskine Caldwell », il veut faire tous les métiers et connaître toutes les routes, car déjà il sait qu’il veut écrire et que « cela ne s’apprend pas que dans les livres ». Il est pâtissier à Paris, photographe à Manchester, chef de rang sur le paquebot France – ce qui lui permet de poser le pied sur cinq continents. Il débarque en Amérique du Nord, est grillardin au Texas, colporteur à Montréal, cuisinier au Lac-Saint-Jean, où il rencontre Marylis qui va devenir son épouse. Ensemble, ils font le grand tour du continent, élèvent des chèvres et des chevaux, fabriquent des jouets en bois en Colombie-Britannique. Ils ont six enfants. Il est radiotéléphoniste à l’aéroport de Ticouapé, terrassier au Yukon, peintre en bâtiment à Québec, bûcheron, coupeur de tabac, agent d’artiste, directeur de festival et... romancier. PPK a le don rarissime de ne pas s’enraciner dans un genre. En effet, rien de commun entre son apocalyptique Retour de l’Orchidée (1990), pas plus qu’avec sa Quête de Nathan Barker (1994). Et que dire de ses deux suites de Maria Chapdelaine, mythique roman de Louis Hémon: La Promise du Lac (1992) et Maria (1999), que les Éditions JCL ont d'ailleurs réédité en 2013? Enfin, n'oublions pas Chair d’Amérique (1997), La Main gauche des ténèbres (2007) et À l'est de minuit (2008). Surtout que dans ces trois derniers romans, la frontière entre le bien et mal, entre le beau et le laid est devenue floue. C’est bien là où PPK excelle : au-delà de l’intrigue il nous fait entrer dans des mondes où les repères s’évanouissent, et du même coup il parvient à nous révéler l’insondable. Dans le fond, s’il faut trouver un point commun à ses romans, on pourrait parler d’exploration, car, même sans lier le terme à la notion du voyage, PPK est aussi et peut-être avant tout un explorateur de la conscience. Il vit actuellement à Vancouver. Il envisage un voilier pour s’y retirer et écrire.
Dans Là où vont les vagues, qui constitue son douzième roman, Philippe Porée Kurrer brouille toutes les pistes et nous convie de main de maître à entrevoir la résolution d'une énigme qui va beaucoup plus loin que de déterminer qui est coupable ou qui est innocent, si jamais l'on peut vraiment être totalement l'un ou l'autre. Cette fois, le romancier oublie les grands espaces qu'il a choisi pour cadre de vie et il nous invite dans le Pays de Caux de son enfance. Et l'on comprend qu'il faille parfois partir loin et longtemps pour acquérir un regard plus objectif sur ce que l'on ne pouvait connaître que de l'intérieur.Puis, comme pour donner tout son relief au «Pays des falaises», il nous emmène dans une Égypte aux antipodes des circuits touristiques. Mais ce qui frappe avant tout dans ce roman, c'est Julien, le personnage central qui, comme le Meurseault de Camus, pourrait être qualifié d'Étranger. Étranger à ce monde à ceci près qu'il est tout l'inverse de Meurseault puisque lui ignore comment ne pas mentir, Une fois de plus, sans rien ôter à l'intrigue et au suspence, tout au contraire ! PPK poursuit sa quête exploratoire du Grand Mystère.