Albert Hayat n’est pas un conteur, ni un historien, encore moins un sociologue. Il ne s’agit pas non plus de son autobiographie. Nous avons là l’œuvre d’un patriarche à qui la vie a offert de satisfaire une curiosité multiforme et vorace. Elle l’a fait naître à Tunis, la ville aux multiples facettes, à une époque où les carrefours de l’histoire n’ont pas manqué. Que le lecteur ne cherche aucun fil conducteur dans le fourmillement de ce récit mais qu’il s’y promène comme se promenaient ceux qui avaient encore le temps dans les rues sinueuses des souks mais aussi sous les arcades sophistiquées de la ville européenne, passant des riches senteurs épicées aux effluves de « l’air du temps ». « Phare de Sidi-Bou-Saïd » comme déjà on l’avait surnommé, l’auteur éclaire dans le tournoiement de sa mémoire les contradictions, les cocasseries de la vie politique et culturelle, les systèmes de valeurs de ces communautés entrelacées. Il avait patiemment attendu sa place de patriarche au bout de ces longues tablées d’avant l’intronisation de la télévision, mais au moment où son tour est venu, l’histoire a bouleversé l’échiquier. Nous, lecteurs, qui sommes pour la plupart condamnés aux diasporas familiales, prenons place autour de sa table : la manne est généreuse. H.H.