Aujourd'hui oublié, Rudolf Herzog fut pourtant, dans l'Allemagne du début du XXe siècle, et pendant près de trente ans, l'un des romanciers les plus lus. De 1869 à 1943, sa vie se confond presque parfaitement avec la durée de la première unité allemande, qui va de l'Empire par Bismarck en 1871, à l'effondrement total de 1945. Rudolf Herzog est un écrivain que la critique littéraire a classé dans le genre de la Trivialliteratur - terme générique qui regroupe les écrivains sans qualités artistiques reconnues, et dont le seul but est de distraire le public le plus nombreux. L'intérêt qu'il représente est ailleurs : sa vision du monde repose sur des valeurs autoritaristes, et sur une exhaltation triomphante de l'industrie allemande. Ses livres nous révèlent l'une des sources du nationalisme allemand, comme ils participent à tout un processus d'imprégnation diffuse, qui finira par rendre possible l'acceptation enthousiaste, ou passive, du national-socialisme par des couches toujours plus larges de la population allemande. Rudolf Herzog joua, dans la dernière phase de ce combat idéologique, un rôle de premier plan. À ce titre, il était indispensable de le sortir des oubliettes de l'histoire littéraire et de l'Histoire tout court.