Boris Vian publie « l’Écume des Jours ». Sur la scène de la Rose Rouge, une jeune prêtresse au profil de pharaonne détaille les couplets surréalistes de Raymond Queneau. Poubelle magnifique de la grande ville qui vomit son indigestion de guerre, « Saint-Germain-des-Prés années 50 », déborde d’une faune pittoresque qui rebâtit le monde sur les moleskines du Flore et des Deux Magots. Deux jeunes gens que tout devrait séparer — Cyril, un aventurier ironique et tendre, et Maurice, un esthète bourgeois et israélite — sont liés d’amitié. Associés dans une affaire d’édition farfelue où ils ont mis en commun leurs discutables talents d’affairistes, ils partagent leurs déconvenues et les filles qui ne demandent qu’à les en consoler. Témoins narquois d’une époque où toutes les valeurs apprises furent jetées bas, les deux copains jouent le jeu subtil et amoral imposé à une certaine race d’hommes décidés à fausser les statistiques. L’histoire est certainement vraie. Certains personnages cités sont devenus célèbres. Un Boris Vian sensiblement différent de son image stéréotypée, le sourire éclatant de Gil Delamare, les sœurs Poliakoff, Ange Bastiani et quelques rapins devenus millionnaires font partie de la distribution. Les premiers rôles sont sous clé, et le lecteur non averti se demandera par exemple qui est Angela, la belle nymphomane acharnée à détruire Cyril. Ce récit à ne pas mettre entre toutes les mains, déborde d’une tendresse infinie, qui rend supportable quelques personnages que certains lecteurs croiront débarqués d’une autre Planète.