Vingt ans après, le Piémontais revient au pays. La vieille ne lui avait-elle pas écrit qu’avec le temps les injures passent ou quelque chose d’approchant, et Giulio s’était dit pourquoi pas ? Il reverrait même Teresetta sans émoi : avec le temps les amours passent elles aussi ; même si c’était pour de bon. Du reste, il n’est plus seul aujourd’hui. Il a tous ses amis, les mineurs du Nord qui l’ont surnommé la Péniche à cause des idées qui, là-haut dans sa tête, ne se bousculent pas. Il a Thaddée surtout, le petit aveugle sans parents et qu’il aime comme si c’était son fils. Les abords de la ferme sont vides. Quelque chose se cache dans le pays ou dans le cœur de Giulio. Et c’est sans doute parce qu’il comprend parfois drôlement les choses qu’il ose à peine se demander, en ouvrant la porte de la ferme, si c’est un passé simple ou un futur qui l’attend. Un livre fort comme son héros, Giulio, le Piémontais mineur de fond ; un livre dru comme l’amitié bourrue des hommes simples ; un livre âpre comme le vin de Barolo ; un livre mystérieux dans ses détours comme l’est dans ses hésitations la belle Teresetta. C’est qu’il s’en passe des choses en vingt ans, et qu’il y a mille façons de se retrouver. Un vrai roman enfin, et aussi, ce que l’on ne reconnaît jamais sans émotion, une belle histoire : qui niera qu’il y faut plus que du talent ?