À quelques kilomètres d’un lieu de passage aussi fréquenté que la vallée de la Loire, sillonnée de routes et couronnée de châteaux, peut-il exister une région ignorée ? Eh bien, oui. Louis de la Bouillerie va nous conduire avec les contes d’« Entre hommes et loups » dans cette région de forêts qui se nomme le Baugeois. Ces terres ont donné souvent à l’homme le cadre d’une « chienne de vie », ces sables avec landes et bois de pins ne lui ont laissé qu’« une faim de loup ». Ces lieux sauvages ont été le refuge des loups qui ont laissé leur nom à des chemins d’ajoncs ou à de mauvais taillis de chêne. L’homme y a vécu aussi durement que la bête inspiratrice d’une peur venue de la nuit des âges, une peur qui résiste à tous les néons des civilisations modernes. Ces contes, recueillis de la tradition orale du Baugeois, relatent, d’une façon saisissante, la tragédie du ménage bûcheron, du paysan gagne-petit, du Vendéen réfugié, de la petite fille qui, pour le pain du soir, collecte des os. Les dessins de Jules Poulain, éminent professeur aux Beaux-Arts d’Angers, s’imposent par la force du trait et la truculence des personnages qui jaillissent, lourds de présence, de textes ainsi merveilleusement complétés. Passionnante, en vérité, cette expédition à travers la forêt des Garde-Loups (proche de celle du fameux et malheureux Rouget le braconnier), car la région que vous y découvrirez n’est autre, tout conte fait, que celle qui se situe au plus profond de nous, cette face cachée de nous-mêmes, « entre homme et loup ».