Jules Renard, qui savait ce dont il parlait, a dit : « Humour : pudeur, jeu d’esprit. C’est la propreté morale et quotidienne de l’esprit ». C’est en effet sa vocation gracieusement moraliste qui donne à l’humour français son caractère essentiel et qui en fait, au pays de La Fontaine, une tradition aussi précieuse que toute autre au monde. Le délicieux livre d’Henri Gentien ajoute un maillon à cette chaîne du sourire qui court autour du jardin de Candide et qui faisait dire à un philosophe : « Je ne plaisante jamais avec l’humour ». Chez Henri Gentien il se trouve qu’en outre l’humour est une tradition familiale, d’une vieille famille de la bourgeoisie parisienne. Il est une manière de dire la tendresse comme l’enthousiasme, la mélancolie comme ce qui échappe au discours trop logique. Deux de ses parentes — mère et fille — étaient gravement fâchées. La première étant mourante, la seconde se présenta quand même pour s’entendre signifier : « Vous direz à ma fille que ce n’est pas à mon âge que l’on se fait de nouvelles relations ». Henri Gentien ayant connu la Cour et la Ville (comme Proust), on l’a dit snob. Il n’est que de penser à ce mot pour comprendre que, s’il l’est, c’est à la manière de Saint-Simon. Ajoutons qu’il n’y a chez lui pas l’ombre de vilenie. Mauriac disait : « Je ne suis pas méchant, j’ai du trait ». Des traits, Henri Gentien en a plein un joli carquois.