"Lorsque j’eus poussé la porte du bar, je fus soudain très ennuyé. Il y avait là beaucoup de monde, beaucoup de jolies femmes, beaucoup de jeunes gens élégants, et j’eus la pénible impression de ne pas être assez bien vêtu pour prendre place parmi eux sans une véritable honte. J’étais propre, mais la doublure de mon veston demandait grâce depuis de longues semaines, mon pantalon avait des goitres aux genoux et ma casquette était de fort mauvaise coupe. Quant à ma cravate, mieux valait n’en pas parler.
Je me sentis si gêné que j’eus envie de m’en aller. Par bonheur, j’aperçus tout de suite mon cousin qui m’attendait. Il m’appela d’un grand geste. Je n’étais pas en retard ; toutefois, je remarquai qu’il avait pourtant déjà bu trois verres. Il était donc là depuis longtemps.
– Bonsoir, Jacques...
– Bonsoir, Charles...
Nous échangeâmes une simple et rapide poignée de main, comme des gens que la vie réunit souvent. Je voulus me jucher sur un tabouret, mais mon cousin m’arrêta :
– Mettons-nous plutôt à une table, nous serons mieux pour causer.
Il choisit un guéridon relativement isolé et nous nous assîmes face à face. Nous ne commençâmes à parler qu’après avoir demandé selon la formule rituelle : « Deux martinis bien secs... » au garçon obséquieux et méprisant pour mes manchettes effrangées que je cachais pourtant avec soin.
Charles hésita quelques secondes avant de dire :
– Je te remercie d’être venu..."
Est-il raisonnable d'endosser l'identité d'un autre, même si c'est celle de son cousin et sur sa propre demande ? Jacques Corme ressemble à son cousin Charles Corme. Celui-ci lui propose de prendre sa place dans sa propriété de campagne ; il ne donne pas les raisons exactes de cette singulière proposition... Jacques sent qu'il va au-devant de dangers mais accepte...