Établir un bilan de la politique d’inspiration libérale mise en œuvre au Royaume-Uni depuis 1979 représente à plus d’un titre une gageure. Parce qu’elle s’inscrit dans une stratégie économique à moyen terme, elle-même partie d’un projet social plus vaste encore, il s’avère difficile de formuler, dès aujourd’hui, un jugement définitif à son égard. C’est à l’expiration seulement du mandat de la seconde législature conservatrice, au terme d’une décennie d’application, qu’une telle entreprise apparaîtra réaliste. À mi-parcours toutefois, un bilan provisoire s’impose, puisqu’en effet les premiers résultats de « l’expérience Thatcher » interpellent les responsables politiques et économiques des principaux pays européens. Après l’échec relatif des réponses sociale-démocrate ou socialiste, l’option libérale constitue-t-elle une réponse pertinente à la crise d’adaptation à laquelle sont confrontées les économies industrielles depuis une quinzaine d’années ? Les prises de position sur ce sujet reflètent plus souvent les préférences partisanes de leurs auteurs qu’elles ne résultent de réflexions objectives. L’ambition du présent ouvrage est de contribuer à éclairer ce débat en tentant d’apporter des éléments de réponse à la question suivante : au-delà de résultats conjoncturels dans l’ensemble satisfaisants depuis 1982, à l’exception notable de l’emploi, l’entreprise d’assainissement financier poursuivie depuis plusieurs années au Royaume-Uni assure-t-elle durablement à ce pays les moyens de son renouveau ? Le gouvernement Thatcher a assurément eu le mérite de poser de « vraies questions » : celles de l’incitation au travail, du poids excessif des prélèvements obligatoires, de l’inertie des systèmes administratifs et du manque d’efficacité des entreprises publiques. Aussi, les réponses qu’il y a apportées méritent-elles examen : inspirons-nous des unes, gardons-nous des autres.