A 4 h moins 20 de l’après-midi, le 16 mars 1869, une explosion secoue le quartier de la Sorbonne, les laboratoires Fontaine viennent de sauter. Dans la foule qui s’amasse sur les lieux de la catastrophe, un étudiant posa la main contre le visage d’une jeune fille pour qu’elle ne voit pas passer une civière. C’est ainsi que le héros d’Yves Grosrichard, l’étudiant Georges Berchon, fait la connaissance de Julia, une jeune lingère, baptisée par lui Mira. Mais Georges, d’une enfance au Texas, a gardé le goût de l’indépendance. Brillant sujet de Normale, il se rebelle contre la discipline de l’École et décide d’abandonner ses études. Il devient hercule de foire et quand le public enthousiaste veut l’entendre parler, il hurle en grec quelques tirades empruntées à Homère. Cependant la guerre éclate. C’est le siège de Paris, la débâcle, la Commune. Après diverses aventures, Georges rentre à Paris, exhale ses rancœurs dans un recueil de poèmes licencieux qui lui valent la prison mais il y gagne la renommée et l’amour d’une jeune femme du monde, Jeanne d’Orbeval. Voilà Georges lancé. Mais voilà également le drame qui se noue entre les deux amours de sa vie : Mira et Jeanne. Cédant à un besoin de confidences, Georges apprend à Jeanne son ancien roman avec Mira : le lendemain, on retrouve le corps de Jeanne, noyé. Georges recherche Mira et se réfugie près d’elle. Mais Mira se rend compte qu’il est destiné à tenir un jour « le haut du pavé ». Pour ne pas lui nuire, elle se sépare de lui. Vingt ans après, il apprendra que Mira a eu un fils de lui : Bruno, qu’elle a élevé seule. Les années passent, Georges gravit les degrés de la gloire ; il est élu à l’Académie ; il épouse une jeune fille de vingt ans plus jeune que lui, Armande, dont il a deux enfants. Mira, en mourant, lui a envoyé Bruno avec qui il a juste le temps d’ébaucher une grande amitié paternelle, avant le départ de son fils pour les États-Unis. Georges alors, dans sa vie pourtant si prospère, connaît la solitude du cœur. Vient la guerre de 1914-1918. Bruno rentre en France dans les rangs du corps expéditionnaire. Il est tué et Georges Berchon ira plus tard assister à l’inhumation définitive des restes de son fils dans le petit cimetière de campagne où déjà Mira repose. Sous la pluie glaciale de novembre il médite devant cette tombe. Il a le sentiment que s’y trouve ensevelie la vraie vie qu’il aurait pu vivre. Il a préféré la gloire. Il a, comme le lui prédisait Mira, tenu le haut du pavé. A quoi bon ? Georges Berchon n’est plus qu’un vieillard qui va bientôt mourir. Le plus passionnant des romans à travers cinquante ans d’histoire de France, c’est la gageure qu’a tenue l’auteur de Zèbre, de la Compagne de l’Homme, de l’Amérique insolite.