Le mouvement en faveur de la démocratie de 1989 écrasé dans le sang à Pékin a fait apparaître au grand jour la crise des valeurs et des structures de la société chinoise. Dans toutes les couches de la population, de haut en bas de la hiérarchie politique, tous, membres ou pas du parti communiste, participaient au concert de doléances, sans craindre de le faire en public. Que disaient les Chinois des tensions apparues ou envenimées en dix ans de réformes ? Comment évaluaient-ils leur niveau de vie, leurs conditions de travail, leur place dans la société, dans la famille ? Quels étaient les progrès accomplis ? Sur quels points se cristallisait le mécontentement ? Qu’espéraient-ils des réformes ? Que pensaient-ils du pouvoir en place ? Pour répondre à ces questions, Agnès Gaudu pendant près d’un an a circulé en Chine en train (à sièges durs), en car. Parlant couramment le chinois, elle a pu recueillir des dizaines de témoignages et d’interviews dans les régions les plus reculées comme dans les grands centres. C’était son cinquième voyage en Chine où elle avait vécu deux ans. Le constat est accablant. Corruption, bureaucratie, despotisme, inflation, crime rongent un pouvoir soucieux, certes, de moderniser l’économie, mais sans se remettre en cause. Le recours à l’armée contre les Pékinois réclamant la démocratie n’aura rien ajouté à sa légitimité en déclin.