29 novembre 1992. Je suis à Patpong, quartier chaud de Bangkok, pour prendre des photos de ses putes et de sa vie nocturne. Non. Je me rends compte très vite que je ne suis pas venu ici pour voir mais pour vivre. C’est mon corps qui devient la pellicule sur laquelle j’imprime toute l’ivresse des sens qui m’envahit. J’arpente, je harponne, collectionneur de jouissances brutales et enivrantes, je fixe. Puis je vire à l’obsession, la mécanique répétitive du sexe qui à chaque nuit associe d’autres visages, d’autres chairs. Je m’alcoolise, m’amphétamine, fume de l’herbe pour décupler et, peut-être, supporter la violence de mes expériences. Mais au-delà du sexe et de la défonce, mon autre obsession est de tenir le journal précis et explicite de ce que j’éprouve avec une telle intensité. Mes sens s’éveillent quand décroît la lumière diurne, que les filles surgissent et que les narcotiques agissent. Je passe le plus clair de mes nuits les yeux ouverts sur le monde qui m’entoure. Je ne vis et ne vois que la nuit : je suis nyctalope. Coton