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Résumé

L'ÉMERGENCE DE NOUVEAUX CORPUS a marqué l'histoire littéraire du siècle dernier. Peu à peu, les littératures nationales devinrent objets d'étude: tandis que les jeunes littératures se sont progressivement précisées, les grandes traditions littéraires furent évaluées, revues et fouillées, au fur et à mesure que se sont développées les études littéraires et les sciences humaines. Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, la littérature d'Amérique latine s'est vite distinguée de l'espagnole, et la mexicaine, de la colombienne ou de la chilienne. Aux XIXe et XXe siècles, les littératures nationales ont peu à peu vu le jour, résultantes, entre autres choses, des mouvements coloniaux, des révolutions politiques, des courants idéologiques et de la spécialisation même du champ littéraire; du moment que la littérature est devenue un objet d'étude sérieux, à part entière, les méthodes et les grilles d'analyse se sont diversifiées, se sont affinées, et ce, jusqu'à faire du texte littéraire la rencontre de(s) mondes: le réel et l'imaginaire, le semblable et l'autre, l'ici et l'ailleurs, le connu et l'inconnu, le visible et l'invisible, etc.C'est de cette façon que la littérature québécoise s'est légitimée: depuis les premiers travaux de Camille Roy au début du XXe siècle jusqu'à la parution en 2007 d'une Histoire de la littérature québécoise, les histoires littéraires se sont succédé, des auteurs se sont démarqués, des tendances se sont manifestées. À sa suite, ou en parallèle, les littératures acadienne et franco-ontarienne ont, elles aussi, pris place dans un mouvement d'affirmation identitaire, voire nationale. Des littératures sont nées. Les Hubert Aquin, Gaston Miron ou Michel Tremblay au Québec, les Antonine Maillet, Herménégilde Chiasson et Jacques Chiasson en Acadie, les Patrice Desbiens, Jean-Marc Dalpé et Daniel Poliquin en Ontario ont marqué à leur façon les jalons de corpus aujourd'hui reconnus.Une littérature peut-elle naître autrement que par cette volonté d'affirmation identitaire? Eh bien, on peut considérer que les travaux du Groupe de recherche sur l'écriture nord-côtière (GRÉNOC) en sont à mettre au jour une littérature ou plutôt, comme le précisait Pierre Rouxel dans l'éditorial du no 1 de Littoral, un corpus non pas défini par une seule langue et par l'appartenance de ses auteurs à une nation, mais défini par un espace, un territoire qui, d'une part, rejoint du fait même, la littérature québécoise, sans s'y restreindre, et la littérature acadienne, si l'on considère que l'Acadie nouvelle s'étend jusque sur la Côte-Nord, en Minganie. La littérature franco-ontarienne, dont une grande partie des textes évoque le Nord français de la province voisine, partage probablement avec l'écriture nord-côtière des paysages et des propos comparables. Mais qui plus est, le corpus nord-côtier que nous sommes en train d'inventorier, c'est aussi celui de textes en anglais, celui d'auteurs autochtones et de ces oeuvres où l'on évoque le Nord québécois. Ce corpus hétéroclite ne se définit donc pas par une langue et par l'appartenance à une histoire nationale, mais demeure le point de rencontre d'identités et de langues. En ce sens, sa découverte et son étude permettent sans aucun doute de jeter un éclairage nouveau sur les identités - québécoise, acadienne, anglophone, autochtones - et sur les langues avec lesquelles il nous met en contact. Et c'est dans cette perspective nouvelle que nous pouvons, au GRÉNOC, aborder des textes et des auteurs variés sous des angles multiples et contrastés, mais éclairants. Et après plus de trois ans d'existence, des pistes se dessinent, des jalons se creusent, des hypothèses sont peu à peu échafaudées dans l'établissement de ce corpus aussi étendu que le territoire qui le circonscrit.Cette terre infinie, à défricher, presque vierge, est fertile, n'en déplaise à Jacques Cartier qui n'y voyait que «pierres et rochiers effrables et mal rabottez». Ainsi, dans ce numéro, vous pourrez lire une étude, signée Guylaine Guay, du témoignage polémique de la première Innue qui, en 1976, prit la plume, Ann Antane Kapesh. Ce geste déterminant a pavé la voie à Mélina Vassiliou, poète innue, qui vient de publier son premier recueil, dont il est question dans les pages qui suivent. Vous la découvrirez aussi dans une lecture où son recueil est comparé à celui d'un Septilien d'origine, Marco Vigneault, premier auteur publié chez Zenith Diffusion, à Rivière-au-Tonnerre. C'est entre autres là qu'est passée une autre poète, la grande Rina Lasnier, qui a rendu compte de ce voyage dans un journal que Florence Davaille de l'Université de Rouen nous fait découvrir avec minutie. Par ailleurs, l'autre poète de la solitude, Anne Hébert, a elle aussi été inspirée par l'imaginaire nord-côtier duquel est issu la légende de Marguerite de Roberval et de l'Île de la Demoiselle dont Marie-Ève Vaillancourt suit les traces littéraires à travers le temps. La Côte-Nord propose d'autres lieux mythiques comme Franquelin, qui a inspiré à Claudette Lajoie un roman, ou l'île d'Anticosti, théâtre de nombreux naufrages dont l'un, celui de La Renommée, fera l'objet au XVIIIe siècle d'un récit. Pierre Rouxel nous propose d'ailleurs des lectures attentives de ces derniers textes. Toujours à propos d'Anticosti, le géographe Louis-Edmond Hamelin nous en apprend justement plus sur son origine toponymique: d'où vient ce nom? Pour terminer ce tour d'horizon non exhaustif, vous pourrez porter attention à l'étude de l'anthropologue Paul Charest qui nous fait découvrir, entre autres à partir de monographies consacrées à des villages de la Basse-Côte, une face cachée de la Côte qui fut, jusqu'au XIXe siècle, fréquentée et peuplée par des Esquimaux.Finalement, si la Côte-Nord est ainsi le lieu de rencontres et de naissances des textes et des imaginaires, notre revue fait elle aussi naître de nouveaux espaces de contact. Vous pourrez à ce propos prendre connaissance de notre nouvelle rubrique «Les auteurs et la Côte» dans laquelle nous proposerons entrevue, portrait ou point de vue d'un auteur, toujours dans une perspective nord-côtière ou nordique. Enfin, notre rubrique «Lectures et relectures - Au nord du Nord» se renouvelle afin d'élargir la notion de texte nordique: on englobera désormais dans cette partie nouvellement intitulée «Face au(x) Nord(s)» ces textes nord-côtiers dont le récit évoque la nordicité sans toutefois se dérouler au-delà du 50e parallèle.On a restreint trop souvent la Côte-Nord à un paradis économique sans parler de ses autres atouts. Il est d'ailleurs de mise, dans le discours ambiant de droite, de ne considérer que la productivité et l'utilité pour définir la valeur d'une activité, d'un projet ou d'une région. La Côte-Nord, vous le découvrirez dans les pages qui suivent, c'est aussi une Terre de naissance, de création et de production poétiques, romanesques, littéraires et culturelles. Et cela, oralement depuis des millénaires, ce que nous découvrons, par exemple, dans le texte inédit de Germaine Mesténapéo, et à l'écrit, depuis 1534. Et il semble bien que ce n'est pas encore près de se terminer.

Auteur

Auteur(s) : Grénoc (Groupe de recherche sur l'écriture nord-côtière)

Caractéristiques

Editeur : Éditions du Septentrion

Auteur(s) : Grénoc (Groupe de recherche sur l'écriture nord-côtière)

Publication : 5 décembre 2018

Intérieur : Noir & blanc

Support(s) : Livre numérique eBook [PDF]

Contenu(s) : PDF

Protection(s) : Marquage social (PDF)

Taille(s) : 33,5 Mo (PDF)

Langue(s) : Français

EAN13 Livre numérique eBook [PDF] : 9782897910471

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