« Nous arriverons en courant toutes les trois parce qu’elle aura une drôle de voix, et elle sera debout au beau milieu de la pièce, elle tiendra la lettre à deux mains parce qu’elle sera en train de la relire pour la troisième fois et qu’elle ne pourra pas le croire, ou elle tiendra la lettre d’une seule main et elle l’agitera en l’air... Au début, nous aurons peur, parce qu’elle pleurera et ça nous fera croire que c’est une mauvaise nouvelle, mais elle va rire en même temps, et elle dira : — Papa revient, mes chéries, mes chéries, Papa revient ! Je me la suis jouée cent fois dans ma tête, cette scène. Elle a un défaut, c’est qu’à la fin, quelquefois, Maman dit : — Papa revient, mes chéries, mes chéries, Papa est vivant ! Là, quand la scène se passe de cette façon, je me mets à pleurer tout de suite, comme s’il était mort au contraire, et j’ai beau me trouver stupide, j’ai du mal à m’arrêter. » Une petite fille dépeint la vie quotidienne d’une famille juive explosée par la déportation du père, en 1944. Mais c’est d’abord une histoire d’amour filial que Nadine Bitner nous conte, avec les sensations et les mots de ses onze ans, aussi présents et aussi vrais que son regard d’aujourd’hui.