Une usine naît dans la taïga, une mer artificielle surgit au pied de l’Oural, des chercheurs improvisent des huiles qui ne gèlent pas à - 60°, des jeunes gens sont condamnés pour crime de non-adhésion, des cosmonautes se promènent dans l’espace ou sont mitraillés “par inadvertance” au Kremlin, les pionniers défrichent des terres hostiles, une ménagère fait la queue pour acheter des citrons, un savant est ressuscité après cinq morts cliniques, des directeurs pillent l’État, des soldats promettent de mourir pour la Patrie, des voyous louent des filles aux étrangers, les dirigeants discourent, les députés du peuple crient “Hourra !”, des enfants naissent et des maréchaux meurent... C’est ça l’U.R.S.S. “240 millions de magiciens” — le mot est de Khrouchtchev — font des exercices de lévitation, glissent sur la corde raide, essaient de grimper aux nuages, reçoivent sans sourciller de la poudre aux yeux, bâtissent le monde meilleur prévu par Marx et Lénine, conçu par Staline, promis par Khrouchtchev, affirmé par Brejnev. Ça aussi, c’est l’U.R.S.S. La vigilance politique n’a pas désarmé depuis Yvan le Terrible. Le K.G.B. surveille les étrangers et opprime les intellectuels non conformistes. Les enfants sont les princes du régime et la justice est fondée sur la rédemption du coupable. La province meurt d’ennui, mais la Sibérie préfigure le monde de demain. C’est encore l’U.R.S.S. Cette Russie soviétique multiple, déconcertante, inquiétante, fascinante, que nous fait découvrir l’homme de France qui la connaît le mieux.