Regardez bien cette « bonne sœur » qui passe d’un pas trop rapide, les yeux baissés. Elle représente un des derniers spécimens d’une espèce en voie d’extinction : demain, il y aura sans doute encore des religieuses, mais certainement plus de « bonnes sœurs ». Les projecteurs de l’actualité étant braqués sur les prêtres, on ignore quelle révolution, silencieuse mais puissante, soulève aujourd’hui le monde presque inconnu des religieuses. Peut-on encore suivre le Christ en étant religieuse aujourd’hui ? A cette question que se posent les novices, mais aussi des femmes mûres blanchies sous la cornette, elles apportent pour l’instant des réponses empiriques. Des congrégations se regroupent ou éclatent en petites communautés, des responsables ou des « soviets » remplacent les supérieures, des collèges sont mis en vente, des hospitalières s’apprêtent à se syndiquer. Certaines s’en vont vivre dans des communautés mixtes où il n’y aura plus que des laïcs mariés ou non mariés. D’autres se demandent si elles — ou celles qui leur succéderont — ne seront pas un jour... prêtres. Derrière ce bouillonnement, on n’a pas de peine à découvrir la recherche sérieuse, et qui force le respect, de femmes qui se demandent comment être femmes et « consacrées » dans le dernier tiers du XXe siècle. Leur révolution, que Marlène Tuininga décrit avec précision au terme d’une minutieuse enquête, n’intéresse pas seulement toute l’Église : elle passionnera toutes les femmes.