L’extraordinaire et tumultueuse épopée de « l’Émir au cheval noir », prophète de l’indépendance algérienne près d’un siècle à l’avance, est pratiquement oubliée de nos jours. Et pourtant quelle aventure et quel destin ! Après avoir défié dix-sept années durant l’armée française, alors l’une des plus puissantes du monde, inventé la guérilla, bâti le nationalisme algérien, donné des-leçons d’habileté et de bonne foi aux diplomates et aux généraux, Abd el-Kader se révélera aussi comme l’un des plus grands poètes de langue arabe et maîtres spirituels de son temps. Prêchant la guerre sainte contre l’Occident, il ne cessera pourtant, tout au long de son existence, de témoigner son respect pour toutes les croyances au point de se faire initier en France à la franc-maçonnerie, et lors des événements de Damas en 1860, de sauver, au risque de la sienne, des milliers de vies dans la communauté chrétienne. La personnalité d’Abd el-Kader a fasciné aussi bien les militaires qui l’ont combattu que les historiens et les exégètes et a été l’objet de dizaines de biographies. Cependant toutes celles qui existent, quelle qu’en soit la valeur, n’ont jamais traité à la fois qu’un seul aspect du personnage : le chef de guerre, l’homme politique, ou le poète mystique. C’est pourquoi l’ambition de la présente évocation est avant tout de présenter au grand public une vision globale mais concise de l’homme, replacée dans l’ensemble de son contexte historique. Elle évite aussi les digressions et les détails n’intéressant que les spécialistes, et corrige certains jugements hâtifs ou inexacts.