Ici un homme essaye de garder la parole, de tenir parole au milieu du fracas, des interruptions, du silence soudain stupéfiant du monde. Cet homme se veut de son temps, noué à son temps d’un lien indissoluble, destiné à périr ou à survivre avec lui. Il ne prétend à aucune aventure personnelle et s’il lui arrive parfois de parler en son nom. devant le souvenir de l’amour ou de l’amitié, c’est par faiblesse et, pour, tout aussitôt, se reprendre. Sous peine de mort, il n’est de lyrisme que plural. Je est un autre ou nous ne sommes pas. Ces poèmes se veulent donc écrits avec l’espoir peut-être insensé de tous ; avec, à coup sûr, les larmes de tous. En ce sens ils sont d’abord le miroir des temps que nous vivons et la seule qualification qu’ils réclament est celle de poèmes politiques. Ils n’appartiennent plus à qui les écrivit. C’est à l’histoire de leur accorder oubli ou mémoire, d’être la sanction de leur vérité ou de leur déraison. C’est à l’histoire de dire si ce qui en eux demeure, c’est seulement “cette hauteur dans le deuil qu’on ne trouve que chez Bertrand de Born” et qu’affirme à leur propos Aragon ; ou bien s’il faut y reconnaître le valable tracé de ce “sillon d’espoir” dont parle quand même le poète.