Robert Rullier n’a pas lui-même sollicité l’édition de ce livre, d’abord destiné à ses enfants. Il en a accepté la publication, pour contribuer à la Mémoire et à l’Histoire. Il apporte ainsi, par son expérience personnelle et terrible, un démenti formel aux tentatives de falsification de cette période de notre Histoire. Il fait le récit chronologique de quinze mois d’absence, un récit sobre et simple des événements vécus par un témoin direct, compagnon de souffrance des 11 500 Français déportés à Neuengamme, un camp qui reste encore peu connu. Avec précision, il retrace la vie qu’il a connu dans le Kommando de Watenstedt, un camp d’extermination par le travail. Soumis, dans l’usine d’armement H. Goering, à un travail abrutissant, douze heures par jour, dans le bruit, sous les coups et presque sans nourriture. Son approche est émouvante, parce qu’elle est sincère et sans apitoiement sur lui-même, malgré l’horreur des traitements infligés par les SS. Ce rescapé évoque la mort aussi, toujours présente : la mort de ses amis savoyards, les morts de la dysenterie, les morts provoquées par l’évacuation du camp pour Ravensbrück quand les SS fuyaient devant les Alliés (mars 1945). Les faits se suffisent ; sans chercher les effets, ce témoignage bouleverse. L’auteur relate la souffrance de ces hommes, dont on brisait l’esprit par l’abrutissement et l’humiliation, avant de tuer lentement le corps. Il raconte les lâchetés, mais aussi les gestes de solidarité, les astuces qui permettaient de survivre. Treize sont partis de Bourg-Saint-Maurice, deux sont revenus. Plus qu’une autobiographie, ces Mémoires d’un survivant, sont la voix qui parle encore pour ceux qui se sont tus.