« Il eût fallu beaucoup de hardiesse, il y a quelques années à peine, pour oser prononcer tout haut ce mot de magnétisme animal. C’est que, acceptée les yeux fermés parles uns, bannie à outrance parles autres, cette forme du prétendu merveilleux n’avait pas encore su être réduite à sa véritable valeur scientifique. Un fait, cependant, parce qu’il paraît extraordinaire, doit-il donc, pour cela, être à l’abri de l’esprit de critique et des recherches positives ? La vraie science ne doit-elle pas être en quête de la vérité partout où celle-ci se trouve, même lorsqu’elle semble enveloppée dans un nuage de surnaturel ?
Aujourd’hui, le mystérieux est mort, et avec lui le magnétisme animal, qui a cessé d’exister depuis que Braid, en 1843, a porté au mesmérisme et au fluidisme le coup décisif qui les a tués à jamais. Dès lors, à la vieille théorie surannée du “fluide magnétique” émanant de la personne du magnétiseur pour se répandre dans celle du sujet, s’est substituée la notion scientifique d’un état nerveux, physiologique, spécial, se développant à la suite de certaines excitations de nature variable ; en un mot, à la prétention objective du “magnétisme”, a fait place la théorie purement subjective de l’hypnotisme, et s’il fallait, par une phrase, rendre l’idée de la doctrine nouvelle, on pourrait dire que “le sujet s’endort, mais n’est pas endormi”.
Les faits qui se rattachent à la description de, l’hypnotisme pourront paraître tellement extraordinaires à beaucoup d’esprits, que les doutes, nous en sommes persuadé, ne manqueront pas sur leur véracité. Loin de nous la prétention chimérique de forcer les lecteurs à croire à priori ce que nous rapportons ; mais cependant, lorsque nous aurons dit que tout ce que nous signalons a été maintes fois reproduit par nous devant un entourage tant médical qu’extra-médical, — quand nous aurons montré que tous ces faits, si extraordinaires qu’ils paraissent, peuvent être scrupuleusement réduits à leur valeur scientifique, car ils n’ont rien de commun avec les faits « de double vue, de divination, de transmission de la pensée, de transposition des sens », et autres jongleries de la même espèce qui appartiennent au domaine du charlatanisme, — quand nous aurons, enfin, affirmé que chacun peut, en se plaçant dans les mêmes conditions que nous, reproduire les mêmes effets, — s’il se trouve encore des esprits assez incrédules pour pratiquer la négation à outrance, il ne nous restera plus qu’à répéter, avec le philosophe anglais Dugald Stewart, que “le scepticisme illimité est aussi bien enfant de l’imbécillité que la crédulité absolue”. »

Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France,Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIX^e siècle.