« Une lueur dorée vient d’envahir ma chambre. C’est, en face de ma fenêtre, le dôme de la douane qui miroite aux premiers rayons du soleil. S’éveiller à Venise ! ce n’est donc pas un rêve : ces carillons joyeux qui, tout à l’heure, secouaient mon demi-sommeil, c’était bien l’Italie, et cette mélodie mystérieuse, indécise dans mon souvenir, que soutenaient un violon et le bruit d’une rame tombant mollement dans l’eau morte, c’était bien une réalité !
Le mystère du songe s’est envolé, les voiles de la nuit se sont. relevés, et mon esprit se grise a cette même pensée qui m’a bercé toute la nuit.
Sous ma fenêtre, une gondole vire brusquement et s’engage dans le petit canal dont je domine l’entrée. A l’angle du mur, je ne vois d’abord qu’une hallebarde qui s’incline, puis le bateau lui-même : des lignes noires qui s’allongent et s’écartent, puis se resserrent à nouveau ; enfin le gondolier, debout sur la poupe amincie, vêtu de blanc, écharpe bleue, tout le corps étendu sur un grand coup de rame.
Au delà, une tranche du grand canal encore endormi, et la douane qui se profile sur un filet de mâts et de cordages.
Sur la place, aux grands mâts, on hisse des drapeaux italiens, étranges dans leurs couleurs criantes sur ce fond de Saint-Marc aux ors fortement ombrés, aux mosaïques éteintes, aux marbres usés par le temps, et semblables à une châsse. Que j’aimais mieux ces oriflammes de pourpre et d’or qui flottaient là il y a dix ans. Dans leurs plis s’allongeaient dés saints orientaux, et mollement leur ombre caressait le vieux temple.
Nous entrons, et dès le porche, le mystère du lieu nous saisit. Est-ce la sensation d’un passé très lointain, vaguement entrevu ? Est-ce le regard de ces êtres qui nous fixent de toutes les voûtes, — ni statue, ni pointures, — comme perdus dans un monde qui n’est pas le nôtre ? ou bien l’or des mosaïques, richesse insaisissable ? Est-ce ce chœur mystérieux gardé dans l’ombre par une cohorte d’anges ? Est-ce ce rayon de soleil qui vient d’un seul jet plonger dans le sanctuaire, et qui, s’abattant sur le sol, en trahit les inégalités, les fêlures et affirme la ruine fatale de toute beauté humaine ? »
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.
Editeur : Collection XIX
Publication : 2 décembre 2021
Edition : 2e édition
Intérieur : Noir & blanc
Support(s) : Livre numérique eBook [ePub + Mobi/Kindle + WEB]
Contenu(s) : ePub, Mobi/Kindle, WEB
Protection(s) : Marquage social (ePub), Marquage social (Mobi/Kindle), DRM (WEB)
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Langue(s) : Français
Code(s) CLIL : 3382, 3805
EAN13 Livre numérique eBook [ePub + Mobi/Kindle + WEB] : 9782346013548