Lèvres mordues se présente sous une double thématique. D’une part, l’accord lyrique, enthousiaste, du poète au monde, aux êtres aimés, au besoin de paix et d’équilibre, dans la musique et la plénitude. D’autre part, la vision réaliste, le quotidien tel qu’il se pratique, voire le fait divers. Et alors, pour dénoncer et montrer sa colère, Alain des Mazery s’appuie sur un récit, une histoire au ton âpre ou sur une fable satirique, parfois d’anticipation. Cette dernière thématique est la plus fréquente. Les sujets d’indignation ne manquent pas : la guerre, la mort des enfants, l’éloignement de Dieu, les chances gâchées pour les humbles, les blocages de notre société, le « nouveau monde » de la société de consommation, qui marquera la décomposition de l’humanisme. La réussite, ici, c’est entre le témoignage chaleureux et le persiflage ou la panique, cet équilibre. Le poète le bâtit sur une générosité, une sensualité, qui ne restent jamais en place et refusent toute illusion.