Les Français juifs, que l’on nommait encore « israélites » dans les années cinquante, ont activement travaillé à se fondre dans la nation. Or, l’histoire de cette assimilation est souvent perçue négativement, à la lumière rétrospective de l’extermination : histoire d’un aveuglement collectif, expression de la « honte de soi » d’un groupe minoritaire... Loin de cette vision reconstruite, Muriel Pichon dévoile ici un judaïsme plutôt heureux, décliné sur un mode riche et complexe. Au gré des témoignages, des récits de vie, des parcours individuels et familiaux qui s’entrecroisent entre 1914 et 1950, l’auteur reconstitue l’univers de ces Français juifs - ensemble peu homogène, mais dont l’appartenance à la France émancipatrice des Droits de l’Homme et à la judéité ne fait aucun doute. Face à la crise des années 1930, à la montée de l’antisémitisme, aux persécutions et à l’extermination, cette relative harmonie franco-juive se transforme, se fissure souvent, mais persiste envers et contre tout, malgré le désenchantement de l’après-guerre. En suivant le fil de l’« israélitisme » à la française, l’ouvrage propose ainsi d’aborder, au-delà de la seule histoire des juifs au xxe siècle, un moment trouble, puis douloureux, du passé de la République.